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éclaircie avec Monseigneur d’Uzès. Cependant il n’y aura rien de perdu, et l’on vous en rendra bon compte.

Pour Madame la Comtesse, après avoir attendu Monseigneur le Coadjuteur, depuis trois semaines qu’elle étoit toute prête à partir, enfin elle s’est résolue de se mettre en chemin lundi ou mardi prochain au plus tard, soit qu’il vienne ou ne vienne pas. J’espère pourtant qu’il n’aura pas le courage de l’abandonner dans ce rencontre, et qu’il passera par-dessus quelque reste d’affaire qu’il auroit bien voulu terminer devant que quitter Paris et la cour. Au reste, Monsieur, j’apprends avec quelque sorte de douleur que vous méditez une retraite, que vous avez même déjà quitté le château de Grignan[1], et que vous êtes descendu dans la ville pour y établir votre demeure. Je n’ai rien à vous dire là-dessus ; car vous êtes plus à Dieu et à vous-même qu’à cette maison. Mais encore la charité, ce semble, demanderoit que vous l’eussiez remise entre les mains de Madame la Comtesse auparavant, et que vous l’eussiez pleinement instruite et conduite encore quelque temps dans un gouvernement d’aussi grande conséquence que celui-là.

Vous trouverez sans doute en elle tout une autre personne que celle que vous avez vue à son mariage. Elle comprend la nécessité qu’il y a qu’elle se mêle et prenne une entière connoissance des affaires. Elle apprend avec douleur comme la dépense va à bride abattue pendant son absence, et les dangereuses suites qu’elle peut apporter en peu d’années si elle continue. Elle a les meilleures intentions du monde, et de la force et de la fermeté

  1. 3. Grignan, ville et comté de Provence, dans les terres dites adjacentes, est situé non loin de Saint-Paul-Trois-Châteaux et de Montélimar. C’est aujourd’hui un chef-lieu de canton du département de la Drôme. Sur le château de Grignan, voyez la Notice, p. 295.