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Vous me louez continuellement sur mes lettres, et je n’ose plus vous parler des vôtres, de peur que cela n’ait l’air de rendre louanges pour louanges ; mais encore ne faut-il pas se contraindre jusqu’à ne pas dire la vérité. Vous avez des pensées et des tirades incomparables, il ne manque rien à votre style. D’Hacqueville et moi, nous étions ravis de lire certains endroits brillants ; et même dans vos narrations, l’endroit qui regarde le Roi, votre colère contre Lauzun et contre l’Évêque, ce sont des traits de maître. Quelquefois j’en donne aussi une petite part à Mme de Villars ; mais elle s’attache aux tendresses, et les larmes lui en viennent fort bien aux yeux. Ne craignez point que je montre vos lettres mal à propos ; je sais parfaitement bien ceux qui en sont dignes, et ce qu’il en faut dire ou cacher.

Écoutez, ma fille, une bonté et une douceur charmante du Roi votre maître : cela redoublera bien votre zèle pour son service. Il m’est revenu de très-bon lieu que l’autre jour M. de Montausier demanda une petite abbaye à Sa Majesté pour un de ses amis ; il en fut refusé, et sortit fâché de chez le Roi en disant : « Il n’y a que les ministres et les maîtresses qui aient du pouvoir en ce pays. » Ces paroles n’étoient pas trop bien choisies ; le Roi les sut. Il fit appeler M. de Montausier, lui reprocha avec douceur son emportement, le fit souvenir du peu de sujet qu’il avoit de se plaindre de lui, et le lendemain il fit Mme de Crussol[1] dame du palais. Je vous dis que voilà des conduites de Titus. Vous pouvez juger si le gouverneur a été confondu, aussi bien que l’Évêque, qui vous doit sa députation[2]. Ces manières de se venger sont bien cruelles. Le Roi a raccommodé l’archevêque de Reims avec celui de

  1. 4. Fille du duc de Montausier. Voyez la note 8 de la lettre 152.
  2. 5. Voyez Walckenaer, tome IV, p. 251 et 252.