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ment, mais mort en grand homme. Son bel esprit, sa prodigieuse mémoire, sa naturelle éloquence, sa haute piété, se sont rassemblés aux derniers jours de sa vie. La comparaison du flambeau qui redouble sa lumière en finissant, est juste pour lui. Le Mascaron l’assistoit, et se trouvoit confondu par ses réponses et par ses citations. Il paraphrasoit le Miserere, et faisoit pleurer tout le monde ; il citoit la sainte Écriture et les Pères, mieux que les évêques dont il étoit environné : enfin sa mort est une des plus extraordinaires choses du monde[1]. Ce qui l’est encore plus, c’est qu’il n’a point laissé de grands biens : il étoit aussi riche en entrant à la cour, qu’il l’étoit en mourant. Il est vrai qu’il a établi sa famille ; mais si l’on prenoit chez lui, ce n’étoit pas lui. Enfin il ne laisse que soixante et dix mille livres de rente : est-ce du bien pour un homme qui a été quarante ans chancelier, et qui étoit riche naturellement ? La mort découvre bien des choses : ce n’est point de sa famille que je tiens tout ceci : on le voit. Nous avons fait aujourd’hui nos stations[2], Mme de Coulanges et moi. Mme de Verneuil[3] est si mal qu’elle n’a pu voir le monde. On ne sait encore qui aura les sceaux.

Je vous conjure d’écrire au Coadjuteur qu’il songe à faire réponse sur l’affaire dont lui écrit Monsieur d’Agen[4] ; j’en suis tourmentée : cela est mal d’être paresseux avec un évêque de réputation. Je remets tous les jours à écrire à ce Coadjuteur ; son irrégularité me débauche ; je le condamne, et je l’imite.

J’embrasse M. de Grignan : ne vous adore-t-il pas tou-

  1. 5. Dans les éditions de Perrin : « une des plus belles et des plus extraordinaires choses du monde. »
  2. 6. Nos visites à toute la parenté du chancelier.
  3. 7. Fille du chancelier Seguier.
  4. 8. Claude Joly.