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aimée, estimée, adorée ; mais quand vous aurez mis tout cela ensemble, soyez assurée, ma fille, que ce n’est rien en comparaison de ce que j’ai pour vous. Je ne vous quitte pas un moment ; je pense à vous sans relâche, et de quelle façon ! J’ai embrassé votre fille, et elle m’a baisée, et très-bien baisée de votre part. Savez-vous bien que je l’aime cette petite, quand je songe de qui elle vient ?


1671

135. — DE MADAME DE SÉVIGNÉ AU COMTE DE BUSSY RABUTIN.

À Paris, ce 16e février 1671.

Mon Dieu, mon cousin, que votre lettre[1] est raisonnable, et que je suis impertinente de vous attaquer toujours ! Vous me faites voir si clairement que j’ai tort, que je n’ai pas le mot à dire ; mais je suis tellement résolue de m’en corriger, que quand vos lettres désormais devroient être aussi froides qu’elles sont vives, il est certain que je ne vous donnerois jamais sujet de m’écrire sur ce ton-là. Au milieu de mon repentir, à l’heure que je vous parle, il vient encore des aigreurs au bout de ma plume : ce sont des tentations du diable que je renvoie d’où elles viennent. Le départ de ma fille m’a causé des vapeurs noires : je prendrai mieux mon temps quand je vous écrirai une autre fois, et de bonne foi je ne vous fâcherai de ma vie.

Encore une fois, j’aime fort que vous vous amusiez à notre belle et ancienne chevalerie ; cela me fait un plaisir extrême. L’abbé[2] vous prie de lui faire part de votre dessein : il a fait une litanie des Sévignés, il veut travailler à nos Rabutins ; écrivez-lui quelque chose qui puisse em-

  1. Lettre 135. — 1. La lettre du Ier février précédent, no 130.
  2. 2. L’abbé de Coulanges.