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1671


vineux[1] qu’on portoit tout endormie chez l’ambassadeur, plusieurs meubles et vaisselles d’argent qu’on sauvoit chez lui. Mme de Vauvineux faisoit démeubler. Pour moi, j’étois comme dans une île, mais j’avois grand’pitié de mes pauvres voisins. Mme Guéton et son frère[2] donnoient de très-bons conseils ; nous étions tous dans la consternation : le feu étoit si allumé qu’on n’osoit en approcher, et l’on n’espéroit la fin de cet embrasement qu’avec la fin de la maison de ce pauvre Guitaut. Il faisoit pitié ; il vouloit aller sauver sa mère qui brùloit au troisième étage ; sa femme s’attachoit à lui, qui le retenoit avec violence ; il étoit entre la douleur de ne pas secourir sa mère, et la crainte de blesser sa femme, grosse de cinq mois : il faisoit pitié. Enfin il me pria de tenir sa femme, je le fis : il trouva que sa mère avoit passé au travers de la flamme, et qu’elle étoit sauvée. Il voulut aller retirer quelques papiers ; il ne put approcher du lieu où ils étoient. Enfin il revint à nous dans cette rue où j’avois fait asseoir sa femme. Des capucins, pleins de charité et d’adresse, travaillèrent si bien, qu’ils coupèrent le feu[3]. On jeta de l’eau sur les restes de l’embrasement, et enfin

Le combat finit faute de combattants[4] ;


    la relation de son ambassade à la cour de France. On conserve aux archives des Affaires étrangères les lettres de créance d’un autre ambassadeur de Venise, nommé Michieli, qui sont datées du 18 mars 1671.

  1. 5. Charlotte-Elisabeth de Cochefilet de Vauvineux, mariée en 1679 (voyez la lettre du 6 décembre) à Charles de Rohan, prince de Guémené, et duc de Montbazon en 1689, mourut le 24 décembre 1719, à l’âge de cinquante-sept ans. Elle avait donc neuf ans au moment de l’incendie.
  2. 6. Voyez la note 6 de la lettre 133.
  3. 7. Il n’y avait pas encore de pompiers, et les capucins en faisaient l’office avec un zèle et une charité admirables. Les premières pompes à incendie furent établies en 1705.
  4. 8. C’est, avec finit pour cessa, la fin bien connue du fameux récit du Cid (acte IV, scène III).