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1672


entrevu un épisode d’un jeune prince[1], au milieu de l’enivrement qui la rendoit si troublée ; et toutes ses paroles ramassées nous confirmoient cette vision. Je vous fais entendre notre folie : elle vous sera expliquée plus nettement.

Vous ne m’expliquez que trop bien les périls de votre voyage. Je ne les comprends pas, c’est-à-dire je ne comprends pas comment on s’y peut exposer. J’aimerois mieux aller à l’occasion[2] : j’affronterois plus aisément la mort dans la chaleur du combat, avec l’émulation des autres, et le bruit des trompettes, que de voir de grosses vagues me marchander, et me mettre à loisir à deux doigts de ma perte ; et d’un autre côté, vos Alpes, dont les chemins sont plus étroits que vos litières, en sorte que votre vie dépend de la fermeté du pied de vos mulets. Ma fille, cette pensée me fait transir depuis les pieds jusqu’à la tête. Je suis servante de ces pays-là, je n’irai de ma vie ; et je tremble quand je songe que vous en venez. Jamais les amants de Mme de Monaco n’en ont tant fait pour elle. Ce que vous dites du premier et du dernier[3] est admirable : c’est cela qui est une épigramme. Ne parlâtes-vous point un peu de Madame[4] ? En est-elle consolée ? Est-elle bien estropiée[5] ? Est-elle bien déses-

  1. Lettre 282 (revue en partie sur une ancienne copie). — 1. Le duc de Longueville. Mme de Marans mettait au nombre de ses prétentions de paraître bien avec lui. Voyez la lettre suivante p. 101, et celle du 8 juillet 1672.
  2. 2. « Occasion se prend pour combat et rencontre de guerre : Une occasion bien chaude ; aller à l’occasion. » (Dictionnaire de l’Académie de 1694.)
  3. 3. Le duc de Lauzun et le chevalier de Lorraine ?
  4. 4. Mme de Monaco avoit été la principale favorite de Madame (Henriette-Anne d’Angleterre), morte le 29 juin 1670. (Note de Perrin.)
  5. 5. D’une saignée mal faite. (Note du même.)