Page:Sévigné - Lettres, éd. Monmerqué, 1862, tome 3.djvu/101

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
— 95 —

1672


pérée de se voir au delà des Alpes ? Est-elle dans l’attente de venir à Paris ? Je comprends la grande joie qu’elle a eue de vous voir. Vos conversations doivent avoir été infinies, et l’obligation d’une telle visite ne se doit jamais oublier. Elle vous l’a rendue promptement ; mais ce n’est pas avec les mêmes circonstances.

Vous me parlez très-plaisamment de la princesse d’Harcourt[1]. Brancas s’est inquiété, je ne sais pourquoi ; il est à l’armée, volontaire, désespéré de mille choses, qui n’évitera pas trop de rêver ou de s’endormir vis-à-vis d’un canon : il ne voit guère d’autre porte pour sortir de tous ses embarras. Il écrivoit l’autre jour à Mme de Villars et à moi, et le dessus de la lettre étoit : À Monsieur de Villars, à Madrid. Mme de Villars le connoît, elle devina la vérité ; elle ouvre la lettre, et y trouve d’abord : Mes très-chères. Nous n’avons point encore fait réponse.

Vous dites que je ne vous dis rien de votre frère. Je ne sais pourquoi ; j’y pense à tout moment, et j’en suis dans des inquiétudes extrêmes[2]. Je l’aime fort, et il vit avec moi d’une manière charmante. Ses lettres sont aussi d’une manière, que si on les trouve jamais dans ma cassette, on croira qu’elles sont du plus honnête homme de mon temps : je ne crois pas qu’il y ait un air de politesse et d’agrément pareil à celui qu’il a pour moi. Cette guerre me touche donc au dernier point ; il est présentement dans l’armée du Roi, c’est-à-dire, à la gueule au loup, comme les autres.

On ne sera pas longtemps sans apprendre de grandes

  1. 6. Françoise de Brancas. — Le comte de Brancas, son père, craignait que Mme de Grignan ne se fût refroidie pour elle. Voyez la lettre du 4 mai précédent, p. 56.
  2. 7. Ces mots : « Et j’en suis, etc., » manquent dans le manuscrit.