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1672

284. — DE MADAME DE SÉVIGNÉ À MADAME DE GRIGNAN.

À Paris, lundi 13e juin.

Ma petite, hélas ! vous avez été bien malade ; je comprends ce mal, et le crains comme un de ceux qui donnent le plus de frayeur. Sans la bonté qu’a eue M. de Grignan de m’écrire, je vous avoue que j’aurois été dans une inquiétude mortelle ; mais il vous aime si passionnément, que je le tiendrois peu en état de songer à soulager mes inquiétudes, si vous aviez été un moment en péril. J’attends demain avec impatience ; j’espère que vous me direz vous-même comme vous vous portez, et pourquoi vous vous êtes mise en colère ; j’y suis beaucoup contre ceux qui vous en ont donné sujet.

Voilà une lettre de mon fils qui vous divertira : ce sont des détails qui font plaisir. Vous verrez que le Roi est si parfaitement heureux[1], que désormais il n’aura qu’à dire ce qu’il desire dans l’Europe, sans prendre la peine d’aller lui-même à la tête de son armée : on se trouvera heureux de lui donner. Je suis assurée qu’il passera l’Yssel comme la Seine. La terreur prépare partout une victoire aisée : la joie de tous les courtisans est un bon augure. Brancas me mande qu’on ne cesse de rire depuis le matin jusqu’au soir ; il m’écrit aussi une petite histoire qu’il faut que je vous fasse savoir.

Dès que le vieux Bourdeille[2] fut mort, M. de Montausier écrivit au Roi pour lui demander la charge de sénéchal

  1. Lettre 284. — 1. L’armée venait de prendre en cinq jours, du 3 au 7 juin, les places d’Orsoy, Rhinberg, Burick et Wesel. Ces succès furent suivis, le 12 juin, du passage du Rhin.
  2. 2. François-Sicaire, marquis de Bourdeille et d’Archiac, sénéchal et gouverneur de Périgord, conseiller d’État, mort le 8 mai 1672 ; il était petit-neveu de Brantôme et frère aîné de Claude comte de