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1672


de l’hôtel de Condé, où après minuit, plus scrupuleusement que nous ne faisons en Bretagne, on servit le plus grand médianoche du monde en viandes très-exquises : cette petite licence n’a pas été bien reçue, et a fait admirer la charmante bonté de la maréchale de Grancey. Il y avoit la comtesse de Soissons, la Coetquen et la Bourdeaux[1], plusieurs hommes, et le chevalier de Lorraine ; des hautbois, des musettes, des violons ; et de Madame la Duchesse[2], ni du carême, pas un mot ; l’une étoit dans son appartement, et l’autre dans les cloîtres. Toutes ces dames sont brunes ; mais nous trouvons qu’il falloit bien du jaune pour les parer.

M. de Coulanges est au désespoir de la mort du peintre[3]. Ne l’avois-je pas bien dit qu’il mourroit ? Cela donne une grande beauté au commencement de l’histoire ; mais ce dénouement est triste et fâcheux pour

    comte de Marei, qu’elle avait épousé en 1665 et qui fut tué en Candie. Elle fut « gouvernante des enfants de Monsieur en survivance de la maréchale de Grancey sa mère, puis en chef après elle, et l’étoit demeurée de ceux de M. le duc d’Orléans (le Régent) avec beaucoup de considération… Elle se retira (en 1710) avec les regrets de tout le monde, les nôtres surtout. Elle étoit ma parente, et de tout temps intimement mon amie, et elle avoit beaucoup d’amis considérables, et plus de sens et de conduite encore que d’esprit. » (Saint-Simon, tome VIII, p. 337.) — Leur mère, Charlotte de Mornay, fille de Pierre, seigneur de Villarceaux (voyez la lettre du 23 décembre 1671, tome II, p. 439, note 5), avait épousé en 1648 Jacques Rouxel, comte de Grancey (maréchal en 1651), veuf d’une sœur du maréchal d’Hocquincourt. Elle mourut en 1694, quatorze ans après son mari.

  1. 20. Voyez tome II, p. 471, note 10.
  2. 21. Elle fut, dit Saint-Simon, la continuelle victime de son mari. Voyez, au tome VII, p. 142, de ses Mémoires, les détails qu’il donne sur cette pauvre princesse « également laide, vertueuse et sotte… un peu bossue, etc., » et p. 14 de notre tome II, la note 6.
  3. 22. Le peintre Fauchier, dont il est parlé dans la lettre du 23 mars précédent (tome II, p. 540).