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tant de victoires[1]. » En effet, je le trouve heureux de ne point remettre au caprice de la fortune ce qu’il a acquis pendant toute sa vie.

Le maréchal de Bellefonds est à la Trappe pour la semaine sainte ; mais, avant que de partir, il parla fort fièrement à M. de Louvois, qui vouloit faire quelque retranchement sur sa charge de général sous Monsieur le Prince : il fit juger l’affaire par Sa Majesté, et l’emporta comme un galant homme.

M. et Mme de Chaulnes s’en vont en Bretagne : les gouverneurs n’ont point d’autre place présentement que leur gouvernement. Nous allons voir une rude guerre ; j’en suis dans une inquiétude épouvantable. Votre frère me tient au cœur ; nous sommes très-bien ensemble ; il m’aime, et ne songe qu’à me plaire : je suis aussi une vraie marâtre pour lui, et ne suis occupée que de ses affaires. J’aurois grand tort si je me plaignois de vous deux : vous êtes en vérité trop jolis, chacun en votre espèce. Voilà, ma très-belle, tout ce que vous aurez de moi aujourd’hui. J’avois ce matin un Provençal, un Breton, un Bourguignon à ma toilette.

La Reine m’attaque toujours sur vos enfants, et sur mon voyage de Provence, et trouve mauvais que votre fils vous ressemble, et votre fille à son père ; je lui réponds toujours la même chose. Mme Colbert me parle souvent de votre beauté ; mais qui ne m’en parle point ? Ma fille, savez-vous bien qu’il faut un peu revenir voir tout ceci ? Je vous en faciliterai les moyens d’une ma-

  1. 3. Le maréchal du Plessis Praslin avait eu grande part à la prise de la Rochelle en 1628 ; il se distingua dans les guerres du Piémont et de la Catalogne, commanda l’armée du Roi pendant la guerre de la Fronde, et sauva la cour en battant, à Rhétel, Turenne qui marchait sur Paris pour délivrer les princes. Voyez tome II, p. 394, note 5.