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nière qui vous ôtera de toutes sortes d’embarras. J’ai parlé d’un premier président à M. de Pompone ; il n’y voit encore goutte ; il croit pourtant que ce sera un étranger ; j’y ai consenti[1].

Ma tante est si mal que je ne crois pas qu’elle retarde mon voyage. Elle étouffe, elle enfle, il n’y a pas moyen de la voir sans être fortement touchée : je le suis, et le serai beaucoup de la perdre. Vous savez comme je l’ai toujours aimée : ce m’eût été une grande joie de la laisser dans l’espérance d’une guérison qui nous l’auroit rendue encore pour quelque temps. Je vous manderai la suite de cette triste et douloureuse maladie.


1672

264. — DE MADAME DE SÉVIGNÉ À MADAME DE GRIGNAN.

À Paris, mercredi 13e avril.

Je vous l’avoue, ma fille, je suis très-fâchée que mes lettres soient perdues ; mais savez-vous de quoi je serois encore plus fâchée ? ce seroit de perdre les vôtres : j’ai passé par là, c’est une des plus cruelles choses du monde. Mais, mon enfant, je vous admire : vous écrivez l’italien comme le cardinal Ottobon[2] ; et même vous y mêlez de l’espagnol : manera n’est pas des nôtres[3] ; et pour vos

  1. 4. Voyez la lettre du 30 mars précédent (tome II, p. 545), et les lettres des 10 et 13 novembre 1673.
  2. Lettre 264 (revue en partie sur une ancienne copie). — 1. Le cardinal Pierre Ottoboni, né à Venise en 1610, fut depuis pape sous le nom d’Alexandre VIII, de 1689 à 1691. Retz l’avait connu dans l’Escadron volant en 1655, et parle de sa profondeur (tome IV, p. 299, de ses Mémoires).
  3. 2. Au français manière répond en espagnol manera, en italien maniera.