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1673

l’absorbée retraite de cette créature me convainc beaucoup. Je l’ai vue et entretenue longtemps : toutes les bagatelles et les incertitudes de son esprit en sont entièrement bannies ; il ne lui reste donc que de l’esprit, qui ne la fait parler ni trop, ni trop peu, lui fait juger du passé, du présent et de l’avenir, avec raison et tranquillité ; ne souhaitant chose au monde ; se trouvant à merveille dans le plus vilain et le plus éloigné quartier de Paris (sa chambre lui plaît) ; s’occupant avec joie de la lecture de quelque ouvrage ; allant à pied à la paroisse, où elle borne toutes ses dévotions, sans chercher ici et là les directeurs et prédicateurs de réputation. Si cela ne vous plaît et ne vous touche, je ne sais ce qu’il vous faut.

Pour Mme de Meckelbourg, il est bien vrai qu’elle loge dans la vraie petite chambre de Mme de Longueville[1]. Mme de Brissac couche bien aussi dans celle où est morte Mme la princesse de Conti[2]. Je crois que leur intérieur est saint.

Mme de Longueville est à la campagne il y a un mois ou six semaines. J’ai beau voir de bonnes gens, vous ne me perdrez point de vue ; peut-être vous faudroit-il baisser pour me donner la main ; jamais je n’ai vu si peu avancer que je fais en dévotion.

J’ai fait vos compliments à Mme de Noailles[3] ; son

  1. 13. Le 10 juillet précédent Mme de Scudéry écrit à Bussy : « Je vis hier Mme de Meckelbourg à l’hôtel de Longueville. Il y avoit nombreuse compagnie d’hommes et de femmes, et pour elle, elle étoit sur un lit de gaze bleue et blanche, en vérité plus charmante que tout ce qu’il y a de plus jeune à la cour. »
  2. 14. Il semble qu’elle avait été attachée à la maison de la sainte princesse de Conti (voyez les lettres du 5 février 1672, et de 26 mai 1673). Sur sa coquetterie voyez les lettres du 26 mai et du 11 juin 1676.
  3. 15. La femme du premier duc de Noailles (voyez tome I, p. 491, note 4) : Louise Boyer, fille d’Antoine seigneur de Sainte-Geneviève