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1672

lieu de prendre le chemin de Provence, il s’en va à Commerci[1].

On dit que le Roi a quelque regret du départ de Canaples : il avoit un régiment, il a été cassé ; il a demandé dix abbayes, on les lui a toutes refusées ; il a demandé cette campagne d’être aide de camp, on lui refuse. Sur cela il écrit à son frère aîné[2] une lettre pleine de désespoir et de respect tout ensemble pour Sa Maiesté : il s’en va sur le vaisseau du duc d’York[3], qui l’aime et l’estime : voilà l’histoire un peu plus en détail.

L’abbé est très-content de votre lettre, et la Mousse aussi. On ne parle plus que de guerre et de partir : tout le monde est triste, tout le monde est ému. Je ne saurois que faire aux nouvelles que vous avez perdues, en perdant ma pauvre lettre.

Le maréchal de Gramont étoit l’autre jour si transporté de la beauté d’un sermon de Bourdaloue[4], qu’il s’écria tout haut en un endroit : « Mordieu, il a raison ! » Madame s’éclata de rire, et le sermon en fut tellement interrompu, qu’on ne savoit ce qui en arriveroit. Je ne crois pas, de la façon dont vous me dépeignez vos prédicateurs, que si vous les interrompez, ce soit pour les admirations.

  1. 5. Voyez la note 1 de la p. 536 du tome I ; mais une rectiifcation y est nécessaire : ce fut d’un legs de son cousin germain et ami intime, Charles d’Angennes comte de la Rochepot, que Retz tint la principauté de Commerci. Le comte était fils de Mme du Fargis ; il fut tué aux lignes d’Arras le 2 août 1640. Voyez les Mémoires de Retz, tome I, p. 35 et 41.
  2. 6. Le frère aîné du comte de Canaples était le duc de Créquy. Voyez tome II, p. 492, note 8.
  3. 7. Depuis Jacques II, roi d’Angleterre.
  4. 8. Le P. Bourdaloue avait prêché devant le Roi, dans la chapelle de Saint-Germain, le 10 avril, dimanche des Rameaux, et « selon sa coutume, dit la Gazette du 16, il s’étoit fait admirer de toute la cour. »