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plaisir à le dire. Il est vrai que le voyage de Provence m’a plus attachée à vous que je n’étois encore ; je ne vous avois jamais tant vue, et n’avois jamais tant joui de votre esprit et de votre cœur. Je ne vois et je ne sens que ce que je vous dis, et je rachète bien cher toutes ces douceurs. D’Hacqueville a raison de ne vouloir rien de pareil ; pour moi, je m’en trouve fort bien, pourvu que Dieu me fasse la grâce de l’aimer encore plus que vous : voilà de quoi il est question. Cette petite circonstance d’un cœur que l’on ôte au Créateur pour le donner à la créature[1], me donne quelquefois de grandes agitations. La Pluie et moi, nous en parlions l’autre jour très-sérieusement. Mon Dieu, qu’elle est à mon goût, cette Pluie ! je crois que je suis au sien ; nous retrouvons avec plaisir nos anciennes liaisons.

Tous nos Allemands[2] reviennent à la file : je n’ai point encore mon fils. J’embrasse tendrement M. de Grignan ; il auroit bien du plaisir à m’entendre quelquefois parler de lui ; il a un beau point de vue, et je suis ravie de dire ses belles et bonnes qualités. Adieu, ma chère Comtesse.


  1. 10. « On ne peut douter que Mme de Sévigné… n’eût alors la mémoire toute fraîche de l’admirable petit traité de saint Eucher sur le Mépris du monde, dont son ami Arnauld d’Andilly venait de publier une traduction, puisqu’elle reproduit une pensée d’Eucher en se servant des mêmes expressions. » (Walckenaer, tome V, p. 117.) — L’achevé d’imprimer de la première édition de ce traité est du 3 décembre 1671.
  2. 11. Les officiers qui faisaient la guerre en Allemagne.