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pouvois du tout m’en remettre. Il tâchoit de m’adoucir l’esprit[1] par la joie du syndicat ; je n’étois occupée que de cette dernière circonstance. « Comment, lui disois-je, dans le temps qu’on se tue, qu’on s’abîme, qu’on sert utilement, recevoir un tel dégoût, et parce que la Grêle a entretenu le Nord cet été en trahison, on s’en souvient si bien, et l’on se soumet si fort à son sentiment, qu’il faut obtenir par miracle la continuation d’une si légère faveur qui ne coûte rien ; et on lui écrit de sa propre main, comme pour lui faire des excuses de n’avoir pas entièrement exécuté ce qu’on avoit promis, et l’on traite ainsi les plus fidèles et les plus zélés serviteurs que l’on ait au monde ! Et que font les autres au prix de nous ? Eh bon Dieu ! s’il y avoit la moindre affaire dans la province, à quoi serviroit la Grêle, étant détesté de tous, et que ne feroit point l’être qui pour faire obéir son maître… ? » Je m’échauffai d’une telle sorte que j’étois hors de moi. Ne suivez pas un si mauvais exemple : Dieu vous donne plus de tranquillité qu’à moi là-dessus ! Enfin votre nouvel ami vous a fait tout le mal qu’il vous pouvoit faire ; mais à loisir, en trahison, en absence, et lorsqu’il vous offroit de vous raccommoder après le syndicat, c’étoit pour se vanter que vous lui demandiez comme l’aumône, et pour jouer le surpris et le fâché si l’improbation venoit, et en cas de l’opposition faire voir qu’on avoit jugé à son avantage, et que voilà ce que c’est que d’être son ennemi. Je vous l’avoue, je suis pénétrée de cette affaire : elle me pique et me blesse le cœur en plus d’un endroit. Comme vous dites, il n’y a qu’à vous à qui les considérations de la province n’en attirent point ici.

  1. 6. Dans le manuscrit « me donner l’esprit, » ce qui nous paraît une altération, assez facilement explicable, de la leçon que nous avons adoptée.