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voyage nécessaire, et qu’il ne le fût pas en effet pour vos affaires, jamais je n’aurois mis en compte, au moins pour cette année, le desir de vous voir, ni ce que vous devez à la tendresse infinie que j’ai pour vous. Je sais la réduire à la droite raison, quoi qu’il m’en coûte ; et j’ai quelquefois de la force dans ma foiblesse, comme ceux qui sont les plus philosophes. Après cette déclaration sincère, je vous avoue que je suis pénétrée de joie, et que la raison se rencontrant avec mes desirs, je suis à l’heure que je vous écris parfaitement contente ; et je ne vais être occupée qu’à vous bien recevoir. Savez-vous bien que la chose la plus nécessaire, après vous et M. de Grignan, ce seroit d’amener Monsieur le Coadjuteur ? Peut-être n’aurez-vous pas toujours la Garde ; et s’il vous manque, vous savez que M. de Grignan n’est pas sur ses intérêts comme sur ceux du Roi son maître : il a une religion et un zèle pour ceux-ci qui ne se peut comparer qu’à la négligence qu’il a pour les siens. Quand il veut prendre la peine de parler, il fait très-bien ; personne ne peut tenir sa place : c’est ce qui fait que nous le souhaitons. Vous n’êtes point sur le pied de Mme de Cauvisson[1], pour agir toute seule : il vous faut encore huit ou dix années ; mais M. de Grignan, vous et Monsieur le Coadjuteur, voilà ce qui seroit d’une utilité admirable. Le cardinal de Retz arrive ; il sera ravi de vous voir. Au reste, ne nous faites point de bravoure ridicule ; ne nous donnez point d’un pont d’Avignon ni d’une montagne de Tarare[2] ; venez sagement ; c’est à M. de Grignan que

  1. 9. Madeleine de l’Isle, sœur d’un marquis de Marivaux (tué à Senef), et d’un autre dont il est question dans la lettre du 1er  juillet 1676, mariée en 1661 à Jean-Louis Louvet de Murat Nogaret, marquis de Cauvisson, lieutenant de Roi au gouvernement de Languedoc.
  2. 10. Voyez tome II, p. 80, et 92 et suivante. — Ce passage, depuis