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1675


à madame de sévigné.

Vous avez raison, ma chère cousine, de dire qu’il y a des choses véritables qu’il faut cacher parce qu’elles ne sont pas vraisemblables ; comme, par exemple, s’il étoit possible que Mme de Grignan trouvât plus de plaisir à passer sa vie auprès de son mari à la campagne qu’à Paris en son absence ; mais le sentiment[1] que je lui mande que je crois qu’elle a sur ce chapitre est fort vraisemblable.

Aussitôt que Mme de Bussy m’eut mandé que notre ami Corbinelli étoit à Paris, je lui écrivis, et je voudrois bien, si Mme de Grignan va en Provence, que vous et lui prissiez, en la conduisant, votre chemin par la Bourgogne. J’irois au-devant de vous jusqu’à Bussy avec la petite Toulongeon et votre nièce de Bussy ; de là je vous amènerois à Chaseu, et puis à Montjeu, où j’ai des raisons de vous faire meilleure chère[2] qu’en pas un autre endroit.


  1. 10. Au lieu de ces mots : « Mais le sentiment, etc., » on lit dans le manuscrit de l’Institut : « Je ne lui conseillerois pas de le dire ; » et la lettre se termine là.
  2. 11. Chère (en italien ciera, cera), mine, visage. C’est le sens du mot dans cette phrase des Mémoires de Mademoiselle (tome IV, p. 370) : « Le Roi la prit (une lettre où elle lui parlait en faveur de Lauzun)., et me fit fort bonne chère quand je revins. » — Montjeu appartenait à Jeannin de Castille, avec qui Bussy s’était réconcilié (voyez la lettre du 21 octobre 1673). Bussy et Mme de Sévigné s’étaient peut-être trouvés ensemble chez Jeannin au temps de leur jeunesse. Voyez la lettre du 22 juillet 1672, et Walckenaer, tome IV, p. 194 et 195.