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l’instant de la séparation fut terrible, mais c’eût été encore pis d’ici. Je ne perdrai jamais aucun temps de vous voir ; je ne me reproche rien là-dessus ; et pour me raccommoder avec Fontainebleau, j’y veux aller au-devant de vous. Dieu nous enverra des facilités pour me conserver la vie ; ne soyez point inquiète de ma santé : je la ménage, puisque vous l’aimez. Ne soyez jamais en peine de ceux qui ont le don des larmes ; je prie Dieu que je ne sente jamais de ces douleurs où les yeux ne soulagent point le cœur : il est vrai qu’il y a des pensées et des paroles qui sont étranges, mais rien n’est dangereux quand on pleure. J’ai donné de vos nouvelles à vos amis ; je vous remercie, ma chère Comtesse, de votre aimable distinction.

Le maréchal de Créquy assiège Dinant. On dit qu’il y a du désordre à Strasbourg : les uns veulent laisser passer l’Empereur ; les autres veulent tenir leur parole à M. de Turenne[1]. Je n’ai point de nouvelles des guerriers. On m’a dit que le chevalier de Grignan avoit la fièvre tierce ; vous en apprendrez des nouvelles par lui-même.


  1. 2. « Il est vrai que rien n’est plus beau que la hauteur avec laquelle M. de Turenne a écrit à ceux de Strasbourg. » (Lettre du 22 juin de Bussy à l’évêque de Verdun, tome II de sa Correspondance, p. 48). — « Montecuculi, dans le dessein de reporter la guerre en Alsace, menaçait le pont de Strasbourg. Turenne se posta auprès de cette ville pour la contraindre à garder la neutralité ; puis il passa le Rhin à Altenheim sur un pont de bateaux (le 8 juin), et s’établit sur la Kintzig ; il coupa ainsi la route de Strasbourg à son ennemi, qui essaya vainement de le débusquer et fut forcé de reculer sur la Rench. » (M. Lavallée, Histoire des Français, tome III, p. 270.)