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nation générale ; voilà Monsieur le Prince qui court en Allemagne : voilà la France désolée. Au lieu de voir finir les campagnes, et d’avoir votre frère, on ne sait plus où l’on en est. Voilà le monde dans son triomphe, et des événements surprenants, puisque vous les aimez. Je suis assurée que vous serez bien touchée de celui-ci. Je suis épouvantée de la prédestination de ce M. Desbrosses[1] : peut-on douter de la Providence, et que le canon qui a choisi de loin M. de Turenne entre dix hommes qui étoient autour de lui, ne fût chargé depuis une éternité ? Je m’en vais rendre cette histoire tragique à M. de Grignan pour celle de Toulon : plût à Dieu qu’elles fussent égales !

Vous devez écrire à M. le cardinal de Retz[2] ; nous lui écrivons tous. Il se porte très-bien, et fait une vie très-religieuse : il va à tous les offices, il mange au réfectoire les jours maigres. Nous lui conseillons d’aller à Commerci. Il sera très-affligé de la mort de M. de Turenne. Écrivez au cardinal de Bouillon[3] ; il est inconsolable.

Adieu, ma chère enfant, vous n’êtes que trop reconnaissante. Vous faites un jeu de dire du mal de votre âme ; je crois que vous sentez bien qu’il n’y en a pas une plus belle, ni meilleure. Vous craignez que je ne meure d’amitié ; je serois honteuse de faire ce tort à l’autre ; mais laissez-moi vous aimer à ma fantaisie. Vous avez écrit une lettre admirable à Coulanges : quand le bonheur m’en fait voir quel qu’une, j’en suis ravie. Tout le monde se cherche pour parler de M. de Turenne ; on s’attroupe ;

    dans la joie, » a été omis par Perrin dans sa première édition, en 1734. Il ne l’a donné que dans sa seconde, en 1754.

  1. 8. Ce commencement de phrase n’a été inséré par Perrin que dans l’édition de 1754..
  2. 9. Nous avons vu qu’il s’était retiré à Saint-Mihel.
  3. 10. Neveu de Turenne.