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funèbre de quelqu’un qui fût vivant, il n’y manqueroit pas. » Cette folie l’a fait rire, sans aucun respect de la pompe funèbre.

Ma bonne, quelle espèce de lettre est-ce ici ? Je pense que je suis folle. À quoi peut servir une si grande narration ? Vraiment, j’ai bien contenté le desir que j’avois de conter.

Le Roi est à Charleroi[1], et y fera un assez long séjour. Il n’y a point encore de fourrages, les équipages portent la famine avec eux ; on est assez embarrassé dès le premier pas de cette campagne.

Guitaut m’a montré votre lettre, et à l’abbé : Envoyez-moi ma mère. Ma bonne, que vous êtes aimable, et que vous justifiez agréablement l’excessive tendresse qu’on voit que j’ai pour vous ! Hélas ! je ne songe qu’à partir, laissez-m’en le soin ; je conduis des yeux toutes choses ; et si ma tante prenoit le chemin de traîner, en vérité je partirois. Vous seule au monde me pouvez faire résoudre à la quitter dans un si pitoyable état ; nous verrons : je vis au jour la journée, et n’ai pas le courage de rien décider. Un jour je pars, le lendemain je n’ose ; enfin, ma bonne, vous dites vrai, il y a des choses bien désobligeantes dans la vie.

Vous me priez de ne point songer à vous en changeant de maison ; et moi, je vous prie de croire que je ne songe qu’à vous, et que vous m’êtes si extrêmement chère, que vous faites toute l’occupation de mon cœur. J’irai demain coucher dans ce joli appartement où vous serez placée sans me déplacer. Demandez au marquis d’Oppède[2], il l’a vu ; il dit qu’il s’en va vous trouver. Hélas ! qu’il est heureux ! J’attends des lettres de Pompone. Nous n’avons

  1. 12. Il y arriva le 5, et en repartit le 11.
  2. 13. Voyez la note 1 de la lettre 251.