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282. — DE MADAME DE SÉVIGNÉ À MADAME ET À MONSIEUR DE GRIGNAN.

À Livry, jeudi 2e juin.

Je l’ai reçu cet aimable volume : jamais je n’en ai vu un si divertissant, ni si bien écrit, ni où je prisse tant d’intérêt. Je ne puis assez vous dire l’obligation que je vous en ai, aussi bien que de l’application que vous avez aux dates : c’est une marque assurée du plaisir et de l’intérêt qu’on prend à un commerce. Au contraire, quand les commerces pèsent, nous nous moquons bien de tant compter, nous voudrions que tout se perdît ; mais vous êtes bien sur ce point comme je le puis souhaiter ; et ce ne m’est pas une médiocre joie, à moi qui mets au premier rang le commerce que j’ai avec vous.

Il est donc vrai, ma fille, qu’il y a eu une de mes lettres de perdue ; mais je ne jette les yeux sur personne. Celui seul qui pourroit s’en soucier n’a pas détourné celles qui lui devoient donner le plus de curiosité ; elles ont toujours été jusqu’à vous ; des autres, il ne s’en soucie guère. Vous êtes contente de ce ministre, et vous le serez toujours très-assurément ; vous entendez bien que c’est du grand Pompone dont je parle, et c’est de lui que je croyois qu’on voudroit voir ce que j’en disois. Je ne sais donc qui peut faire ce misérable larcin ; il n’y a pas un grand goùt à prendre des lettres, au degré de parenté où nous sommes : si elles sont agréables, c’est un miracle ; ordinairement elles ne le sont pas. Enfin, voilà qui est fait, sans que je puisse imaginer à qui je m’en dois prendre. Dieu vous garde d’une plus grande perte !

Nous ne savons point la vie cachée de la Marans ; mais Mme de la Fayette doit vous écrire ses visions passées, dès qu’elle aura une tête pour cela. Nous croyons avoir