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1675beaucoup de peine que vous vous intéressez autant que vous dites à l’état de mes affaires : ma mère vous dit précisément l’état où elles sont[1]. Vous croyez bien que je n’achèterai pas la charge de M. de Lauzun, et que je ne me ruinerai pas de fond en comble, pour en avoir deux très-vilaines[2]. Voilà où j’en suis, pour n’avoir pas voulu opiniâtrément suivre votre conseil ; mais en vérité c’est une faute qui devroit être expiée par sept ans de purgatoire, dont il y en a eu six de passés sous M. de la Trousse, et qui ne méritoit pas un enfer perpétuel[3], comme celui que j’envisage, si Dieu n’y met la main. Enfin, pour cette fois, je suivrai l’avis des bonnes têtes qui nous gouvernent. J’ai entendu parler de tous vos triomphes de Provence : je ne saurois vous dire tout l’intérêt que j’y prends. Je vous embrasse très-tendrement, ma chère petite sœur. Voyez comme vous en avez toujours usé avec moi ; voyez tout ce que vous avez voulu faire pour moi, contre vos propres intérêts ; souvenez-vous combien on vous a dit que vous étiez aimable[4], et vous pourrez comprendre à peu près comme je suis pour vous.


DE MADAME DE SÉVIGNÉ.

Ma chère fille, Bourdelot m’a envoyé des vers qu’il a faits à la louange de Monsieur le Prince et de Monsieur le Duc[5] ; il vous les envoie aussi. Il m’écrit qu’il n’est

  1. « Vous dit précisément de quoi il est question. » (Édition de 1754.)
  2. « Deux très-subalternes. » (Ibidem.)
  3. Perpétuel est omis dans l’édition de 1754.
  4. « Aimable et estimable. » (Édition de 1754.)
  5. Ces vers n’ont pas été conservés ; Mme de Sévigné en parle à sa fille de manière à nous les faire peu regretter. Bourdelot avait passé quelque temps à Stockholm, auprès de Christine ; il avait acquis tant d’empire sur son esprit, qu’il écartait de sa cour tous les savants qui excitaient sa jalousie. On peut voir dans les commentaires latins d’Huet, évêque d’Avranches, tout ce que fit le docteur pour empêcher Bochart d’être admis auprès de la Reine. Quand Bourdelot eut quitté la Suède, Christine demanda et obtint pour lui l’abbaye de Massai ; le pape Urbain VIII avait accordé à ce médecin le privilége singulier de pouvoir posséder des bénéfices en exerçant la médecine, pourvu qu’il la fit gratuitement. On assure qu’il observa très-religieusement cette condition. (Note de l’édition de 1818.) — Voyez tome II, p. 516, note 3, et la lettre du 22 décembre suivant, p. 291.— Bourdelot avait été attaché à la personne du grand Condé et l’avait accompagné, en 1638, au siège de Fontarabie.