Page:Sévigné - Lettres, éd. Monmerqué, 1862, tome 4.djvu/353

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1676 bon usage de tout ce que j’ai souffert, je n’aurois pas tout perdu, il faudroit peut-être m’envier ; mais je suis impatiente, ma fille, et je ne comprends pas comment on peut vivre sans pieds, sans jambes, sans jarrets et sans mains. Il faut que vous pardonniez aujourd’hui cette lettre à l’occupation naturelle d’une personne malade ; c’est à n’y plus retourner, et dans peu de jours nous serons en état de vous écrire tout comme les autres. Il me semble avoir entendu dire, pendant que j’avois la fièvre, que votre cardinal Grimaldi[1] étoit mort : j’en serois en vérité bien fâchée. Adieu, ma chère enfant : avec tout cela mon mal n’a été que douloureux, et tous ceux qui prennent intérêt à moi n’ont pu trouver un moment sujet d’avoir peur ; ma fièvre même étoit nécessaire pour consumer l’humeur du rhumatisme, et présentement que je n’en ai plus, il n’y a qu’à attendre patiemment le retour de mes forces, et que l’enflure se dissipe. J’embrasse M. de Grignan. La princesse a fait des merveilles pendant ma maladie.

de charles de sévigné.

Je n’ai plus rien à vous dire après cela, ma petite sœur, si ce n’est que nous venons d’avoir une dispute le bon abbé et moi : il dit que l’écriture de ma mère, telle qu’elle est, étoit nécessaire pour vous rassurer ; moi je soutiens qu’elle est beaucoup plus propre à vous épouvanter, et que vous nous auriez bien fait l’honneur de vous en rapporter à nous sur la santé de ma mère, et que notre style vous auroit ôté vos inquiétudes. Voilà ma pensée ; car je ne crois pas que vous me soupçonniez d’une assez grande force d’esprit pour écrire des plaisanteries dans le temps que je serois frappé de quelque

  1. Cette nouvelle était fausse ; il ne mourut qu’en 1685. Voyez tome II, p. 166, note 5.