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1676Ma fille, que vous êtes plaisante, et que vous me réjouiriez bien si je pouvois aller cet été à Grignan ! mais il n’y faut pas penser, le bien Méchant[1] est accablé d’affaires : je garde ce plaisir pour une autre année, et pour celle-ci[2] j’espérerai que vous me viendrez voir.

J’ai été hier à l’opéra[3] avec Mme de Coulanges et Mme d’Heudicourt, M. de Coulanges, l’abbé de Grignan et Corbinelli : il y a des choses admirables ; les décorations passent tout ce que vous avez vu ; les habits sont magnifiques et galants ; il y a des endroits d’une extrême beauté ; il y a un sommeil et des songes dont l’invention surprend[4]  ; la symphonie est toute de basses et de tons si assoupissants, qu’on admire Baptiste[5] sur nouveaux frais ; mais l’Atys est ce petit drôle qui faisoit la Furie et la Nourrice ; de sorte que nous voyons toujours ces ridicules personnages au travers d’Atys. Il y a cinq ou six petits hommes tout nouveaux, qui dansent comme Faure, de sorte que cela seul m’y feroit aller ; et cependant on aime encore mieux Alceste : vous en jugerez, car vous y viendrez pour l’amour de moi, quoique vous ne soyez pas curieuse. Il est vrai que c’est une belle chose de n’avoir point vu Trianon : après cela vous peut-on proposer le pont du Gard ?

Vous trouveriez l’homme dont vous me parlez, de la

  1. C’est-à-dire le bien Bon, qui étoit l’abbé de Coulanges. (Note de Perrin.)
  2. Les mots et pour celle-ci ne sont pas dans l’édition de 1734.
  3. À l’opéra d’Atys. Voyez ci-dessus, p. 337, note 8.
  4. C’est la scène iv du IIIe acte. « Le théâtre représente un antre entouré de pavots et de ruisseaux, où le Dieu du sommeil se vient rendre, accompagné de songes agréables et funestes. » Les personnages sont Atys dormant, le Sommeil, Morphée, Phobétor, Phantase, les Songes agréables, les Songes funestes.
  5. Lulli.