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avons été frottés. » Un autre dit : « Nous nous sommes sauvés le plus diligemment que nous avons pu, et si nous n’avons pas laissé d’avoir grand’peur.  » Vous voyez qu’il y a des garçons pâtissiers partout[1]. Il faut avoir, ma bonne, un étrange loisir pour vous conter de telles sottises.

Le mari de votre nourrice vint avant-hier crier miséricorde au logis, que sa femme lui avoit mandé qu’on ne lui donnoit pas ses aliments, et qu’on l’avoit accusée d’avoir du mal ; qu’elle s’étoit dépouillée toute nue devant vous pour vous faire voir le contraire. Pour le premier article, je lui dis que sa femme, c’étoit la plus difficile, la plus méchante, la plus colère du monde, et qu’il n’y avoit pas moyen de la contenter ; que céans elle avoit pensé nous faire enrager, qu’à Grignan on donnoit à la nourrice tout ce qu’il y avoit de meilleur sur la table. Pour l’autre article, je lui dis qu’il étoit fou, et que je ne croyois pas ce qu’il me disoit. Il s’emporta, et dit qu’après l’honneur il n’y avoit plus rien, que si sa femme avoit du mal, elle étoit une p…. et qu’il me vouloit faire voir qu’il n’en avoit point. Sur cela, il fit comme s’il eût voulu se déshabiller ; je le fis sortir de ma chambre ; il le fit en disant cent sottises et qu’il alloit se plaindre à Mme de Villars, et l’histoire finit ainsi. Donnez-moi quelque lumière sur cette belle aventure.

Vous parlez si dignement du cardinal de Retz et de sa retraite, que pour cela seul, vous seriez digne de son amitié et de son estime. Je vois des gens qui disent qu’il

  1. Nous avons suivi le texte de l’édition de la Haye (1726). Le manuscrit porte : « Vous voyez qu’il y a des gens et des garçons pâtissiers partout. » Il y a sans doute un mot sauté. À cette phrase l’édition de Rouen a substitué celle-ci : « Vous voyez qu’il y a de l’ingénuité dans ces récits. »