Page:Sévigné - Lettres, éd. Monmerqué, 1862, tome 5.djvu/180

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1677 vous le pensez. Que voulez-vous dire ? est-il possible que vous puissiez tirer un dragon de tant de douceurs, de caresses, de soins, de tendresses, de complaisances[1] ? Ne me parlez donc plus sur ce ton : je suis comblée, et je ne suis que trop contente de vous. Ne me grondez point de trop écrire, cela me fait plaisir[2] ; je m’en vais laisser là ma lettre jusqu’à demain.

Mardi 15e juin

Si mes lettres sont un peu longues, ma très-chère, songez que c’est justement parce que je les écris à plusieurs fois[3]. Je viens de recevoir deux des vôtres d’Auxerre ; d’Hacqueville étoit ici : il a été ravi de savoir de vos nouvelles. Quels remerciements ne dois-je point à Dieu de l’état où vous êtes ! Enfin vous dormez, vous mangez un peu, vous avez du repos, et vous n’êtes point accablée, épuisée et dégoûtée comme ces derniers jours : ah ! ma fille, quelle sûreté pour ma santé, quand la vôtre prend le chemin de se rétablir ! Que voulez-vous dire du mal que vous m’avez fait ? c’est uniquement[4] par l’état où je vous ai vue ; car pour notre séparation, elle m’auroit été supportable, dans l’espérance de vous revoir plus tôt qu’à l’ordinaire ; mais quand il est question de la vie, ah ! ma très-chère, c’est une sorte de douleur dont je n’avois jamais senti la cruauté, et je vous avoue que j’y aurois succombé. C’est donc à vous à me guérir et à me garantir du plus grand de tous les maux. J’attends vos lettres avec

  1. 7 « que vous puissiez tirer un dragon de tant de bonnes choses ? Ne me parlez donc plus sur ce ton : il faudroit que je fusse bien déraisonnable, si je n’étois pleinement satisfaite. » (Édition de 1754.)
  2. 8. Ces quatre mots ne sont pas dans l’édition de 1734.
  3. 9. Cette phrase manque dans l’édition de 1754.
  4. 10. « Quand vous parlez du mal que vous m’avez fait, c’est uniquement, etc. » (Édition de 1754.)