Page:Sévigné - Lettres, éd. Monmerqué, 1862, tome 5.djvu/207

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1677 au camp quand je partis hier ; je vous en manderai la suite à Paris. Vous voyez bien que la longueur de cette lettre vient proprement de ce que j’abuse de la permission de causer à Livry, où je suis seule et sans aucune affaire. Je devois bien faire un compliment à M. de Grignan[1] sur la mort de ce petit ; mais quand on songe que c’est un ange devant Dieu, le mot de douleur et d’affliction ne peut se prononcer : il faut que des chrétiens se réjouissent, s’ils ont le moindre principe de la religion qu’ils professent.

À Paris, mercredi 7e juillet.

Remarquez au moins[2] ma très-chère, que cette lettre est commencée depuis trois jours, et que si elle paroît infinie, c’est qu’elle est reprise à loisir ; le papier et mon écriture la font paroître aussi d’une taille excessive ; il y a plus dans une feuille des vôtres que dans six des miennes : ne prenez donc point ceci pour un exemple, et ne vous vengez point sur vous, c’est-à-dire sur moi.

J’ai fort causé avec Corbinelli ; il est charmé du Cardinal ; il n’a jamais vu une âme de cette couleur ; celles des anciens Romains en avoient quelque chose. Vous êtes chèrement aimée de cette âme-là et je suis plus assurée que jamais qu’il n’a jamais manqué à cette amitié : on voit quelquefois trouble, et cela vient du péché originel. Il faudroit des volumes pour vous dire le détail de toutes les nouvelles qu’il me conte[3]

  1. 14. Les mots : « à M. de Grignan, » manquent dans l’édition de 1754 ; on y lit, au commencement de la phrase, devrois, au lieu de devois.
  2. 15. L’édition de 1734, qui fait de cette seconde partie une lettre à part, n’en a pas le premier alinéa. Elle commence à : « J’ai fort causé avec Corbinelli. »
  3. 16. « Pour vous rendre le détail de toutes les merveilles qu’il me conte. » (Édition de 1754.)