Page:Sévigné - Lettres, éd. Monmerqué, 1862, tome 5.djvu/263

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1677 voilà qui est fait, n’en parlons plus ; cet article est long et assez inutile ; mais je n’en ai pas été la maîtresse, non plus que de mon pauvre portrait.

J’attends mon fils ; il s’en va à l’armée : il n’étoit pas possible qu’il fît autrement ; je voudrais même qu’il ne traînât point, et qu’il eût tout le mérite d’une si honnête résolution. Tout ce que vous dites de lui est admirable : ce sont des originaux sans copie que les traits que vous donnez ; qu’ils sont heureux de n’être point copiés ! Je dis toujours que rien n’est si occupé[1] qu’un homme qui n’est point amoureux : avant qu’il ait vaqué à Madame de…, Madame de…, Madame de…, Madame de…, le jour et la nuit sont passés. Je l’ai vu répondre à quelqu’un qui vouloit attaquer la persévérance de la belle Sablière[2] : « Non, non, elle aime toujours son cher Philadelphe ; il est vrai qu’ils ne se voient pas du tout si souvent, afin de faire vie qui dure, et qu’au lieu de douze heures, par exemple, il n’est plus chez elle que sept ou huit[3] ; mais la tendresse, la passion, la distinction et la parfaite fidélité sont toujours dans le cœur de la belle ; et quiconque dira le contraire aura menti. »

Mais parlons un peu de ce cœur déserteur que vous ne comptez plus sur vos doigts. Je me doute que c’est celui de Roquesante, et que le P. Brocard aura mis son nez mal à propos dans cette bonne amitié. Je vous prie de me mander si je pense droit. Il y en a un autre dans le monde dont la tendresse assurément voudroit se mêler d’aller, comme vous dites, côte à côte de la mienne : en

  1. 20. « Tout ce que vous dites de lui est admirable ; il est vrai que rien n’est si occupé, etc. » (Édition de 1754.)
  2. 21. Pour le marquis de la Fare. Voyez tome III, p. 202, fin de la note 6.
  3. 22. « Il n’en passe plus chez elle que sept ou huit. » (Édition de 1754.)