Page:Sévigné - Lettres, éd. Monmerqué, 1862, tome 5.djvu/283

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1677 qu’elle étoit pour le moins à Lyon. Je lui demandai pourquoi elle l’avoit envoyée si loin ; elle me dit que c’est qu’elle avoit trouvé un bon parti, un honnête homme, Dieu marci. Je la priai de me dire le nom de la ville ; elle me dit que c’étoit à Paris ; qu’il étoit boucher, logeant vis-à-vis du palais Mazarin[1] ; et qu’il avoit l’honneur de servir M. du Maine, Mme  de Montespan, et le Roi fort souvent. Ma très-chère, je vous laisse à méditer[2] sur la justesse de la comparaison, et sur la naïveté de la bonne hôtesse. J’entrai dans sa douleur, comme elle étoit entrée dans la mienne ; et j’ai toujours marché depuis par le plus beau temps, le plus beau pays et le plus beau chemin du monde. Vous me disiez qu’il étoit d’hiver quand vous y passâtes ; il est devenu d’été, et d’un été le plus tempéré qu’on puisse imaginer. Je demandai partout de vos nouvelles, et l’on m’en dit partout. Si je n’en avois point reçu depuis, je serois un peu en peine, car je vous trouve maigre ; mais je me flatte que la princesse Olympie aura fait place à la princesse Cléopatre[3]. Le bon abbé a

  1. 6. À la mort de Mazarin, son palais avait été partagé entre le duc de Nevers et le duc de Mazarin. L’hôtel de Nevers se composait des bâtiments qui donnent sur la rue Richelieu. « Le duc de Mazarin eut pour sa part la plus belle partie du palais, savoir : l’ancien hôtel Tubeuf, les galeries élevées par Mansart et les dépendances sur la rue des Petits-Champs, à peu près tout ce qui s’étendait sur les rues Vivienne et des Petits-Champs. Cette partie continua de porter le nom de palais ou hôtel Mazarin. » Voyez les Nièces de Mazarin par M. Amédée Renée, p. 454 et suivantes de la cinquième édition.
  2. 7. « Je vous laisse méditer. » (Édition de 1754.)
  3. 8. Ce sont deux des héroïnes du roman de Cléopatre de la Calprenède. Olympie est la fille du roi de Thrace ; elle est prise en mer par des pirates, tombe malade sur leur vaisseau, et est vendue comme esclave à Alexandrie. Cléopatre, qui donne son nom au roman, est la fille de la fameuse Cléopatre et d’Antoine. Olympie est aimée d’Ariobarzane, prince d’Arménie et Cléopatre, de Coriolan, prince de Mauritanie. Olympie a les « yeux abattus et languissants (tome VI, p. 34) ; » le chef des pirates la juge « plus propre au tombeau qu’à