Page:Sévigné - Lettres, éd. Monmerqué, 1862, tome 5.djvu/443

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1678 monde tout entier ne vaut point la peine d’une telle contrainte ; il n’y a que Dieu qui mérite qu’on soutienne ces sortes de retraites. Je lui fais crédit pour sa conduite ; tous ses amis se sont si bien trouvés de s’être fiés à lui, que je veux m’y fier encore : il saura très-bien soutenir la gageure par la règle de sa vie. Vous ne le verrez point de ruelle en ruelle soutenir les conversations et juger des beaux ouvrages ; il sera retiré de bonne heure, fera et recevra peu de visites, ne verra que ses amis et des gens qui lui conviennent, et qui ne seront point de contrebande à la régularité de sa vie. Voilà de quoi je trouve qu’on doit s’accommoder ; pour moi, j’en suis contente, et j’aime et honore cette Éminence plus que jamais. Il m’a témoigné beaucoup d’amitié ; la méchante santé de ma fille l’a empêchée de pouvoir rendre ce premier devoir par une visite.

Mais vous, Monsieur, c’est vous qui êtes dans une véritable retraite. Je vois quelquefois une dame[1] qui me paroît ennuyée de ne point partager avec vous cette solitude ; je ne veux point perdre l’espérance d’y passer encore plusieurs jours avec vous, et d’entendre parler la Beauté, qu’on dit qui parle effectivement, sans illusion ; car tout ce que me disoit la très-bonne me paroissoit fabuleux, ou du moins un enchantement comme les voix qu’entendoit Psyché[2]. Tout de bon, je conserve un souvenir tendre et précieux d’Époisse et du maître qui m’y a si bien reçue. M. d’Hacqueville s’en va à Vichy ; mais il ne prendra pas son chemin si agréablement que moi. Je ne puis vous rien dire du séjour de ma fille ici : ce sont des lettres si closes que celles de Provence, que je

  1. 4. Mme de Guitaut, qui était encore à Paris.
  2. 5. Le soir de son arrivée au palais de l’Amour. Voyez le 1er  livre des Amours de Psyché et de Cupidon, par la Fontaine, publiés en 1669.