Page:Sévigné - Lettres, éd. Monmerqué, 1862, tome 5.djvu/515

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gens qui ne la méritent pas. J’aime à examiner même les choses qui me plaisent, afin de voir si je ne me suis point trompé. Je vous demande que nous fassions ensemble la même démarche. Nous parlerons de la cour, de la guerre, de la politique, des vertus, des passions et des vices, en honnêtes gens. J’ai trouvé les deux couplets sur les deux maréchaux de France fort bons[1].

Au reste, je me suis avisé de faire des remarques sur cent maximes de M. de la Rochefoucauld. J’en suis à examiner celle-ci :

La bonne grâce est au corps ce que le bon sens est à l’esprit [2].

Je demande à votre tribunal si elle est facile à entendre, et quel rapport ou proportion il y a entre bonne grâce et bon sens.

Je trouve qu’on se sert de mots dans la conversation, qui, étant examinés, sont ordinairement équivoques, et qui, à force de les sasser, ne signifient point, dans la plupart des expressions, ce qu’il semble à tout le monde qu’ils doivent signifier. Par exemple, je demande à Mme de Coligny qu’elle me définisse la bonne grâce, et qu’elle me marque bien la différence avec le bon air ; qu’elle me dise celle de bon sens et de jugement, celle de raison et de bon sens, celle de bon esprit et de bon sens, celle de génie et de talent, celle de l’humeur, de caprice et de bizarrerie[3] ; de l’ingénuité et de la naïveté ; de l’honnêteté et de la politesse et de la civilité ; du

  1. 13. Voyez la lettre précédente, p. 502 et 503.
  2. 14. Cette maxime n’est pas dans la première édition de la Rochefoucauld (1665) ; c’est la 67ème des éditions de 1667, 1671, etc.
  3. 15. : « Du caprice et de la bizarrerie. » (Manuscrit de la Bibliothèque impériale.) Trois lignes plus bas, ce manuscrit donne : « que ce sont la plupart des synonymes. »