Page:Sévigné - Lettres, éd. Monmerqué, 1862, tome 6.djvu/162

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1679 Conti et de Mademoiselle de Blois[1]. Ils s’aiment comme dans les romans ; le Roi s’est fait un grand jeu de leur inclination : il parla tendrement à sa fille, et qu’il l’aimoit[2] si fort, qu’il n’avoit point voulu l’éloigner de lui ; la petite fut si attendrie et si aise, qu’elle pleura, et le Roi lui dit qu’il voyoit bien que c’est qu’elle avoit de l’aversion pour M. le prince de Conti[3] ; elle redoubla ses pleurs : son petit cœur ne pouvoit contenir tant de joie. Le Roi conta cette petite scène, et tout le monde y prit plaisir. Pour M. le prince de Conti, il étoit transporté ; il ne savoit ni ce qu’il disoit, ni ce qu’il faisoit ; il passoit par-dessus tous les gens qu’il trouvoit en son chemin, pour aller trouver[4] Mademoiselle de Blois. Mme Colbert[5] ne vouloit pas qu’il la vît que le soir ; il força les portes, et se jeta à ses pieds, et lui baisa la main ; elle, sans autre façon, l’embrassa, et la revoilà encore à pleurer[6]. Cette bonne petite princesse est si tendre et si jolie, que l’on voudroit la manger. Le comte de Gramont fit ses compliments, comme les autres, au prince de Conti : « Monsieur, je me réjouis de votre mariage ; croyez-moi, ménagez le beau-père, ne le chicanez point, ne prenez point garde à peu de chose avec lui ; vivez bien dans cette famille, et je vous réponds que vous vous trouverez fort bien de cette alliance. » Le Roi se réjouit de tout cela, et marie sa fille, en faisant des compliments,


    désabuser M. de Pompone de ma tendresse ; il n’y a plus que pour elle : je n’ai jamais vu un fagot d’épines si révolté ; » et dans la lettre du 17 novembre de la même année (tome IV, p. 235) : « Jamais vous n’avez vu un si joli fagot d’épines. »

  1. 10. Ce mariage fut célébré le 16 janvier 1680.
  2. 11. « Et l’assura qu’il l’aimoit. » (Édition de 1754.)
  3. 12. « Pour le mari qu’il lui avoit choisi. » (Ibidem.)
  4. 13. « Pour aller voir. » (Ibidem.)
  5. 14. C’était Mme Colbert qui élevait Mademoiselle de Blois.
  6. 15. « Et la revoilà à pleurer. » (Édition de 1754.) ·