Page:Sévigné - Lettres, éd. Monmerqué, 1862, tome 6.djvu/198

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1680 grande consolation[1] de recevoir une grande lettre de vous ; présentement ce m’est une véritable peine ; et quand je pense à celle que vous avez d’écrire, et au mal sensible que cela vous fait, vous ne sauriez m’écrire assez peu : si vous êtes incommodée, il faut ne point écrire ; si vous ne l’êtes pas, il ne faut point écrire ; enfin si vous avez quelque soin de vous, et quelque amitié pour moi, il faut par nécessité ou par précaution garder cette conduite : si vous êtes mal, reposez-vous ; si vous êtes bien, conservez-vous[2] ; et puisque cette santé si précieuse, dont on ne connoît le bonheur qu’après l’avoir perdue, vous oblige à vous ménager, croyez que ce doit être votre unique affaire, et celle dont je vous aurai le plus d’obligation. Vous[3] me paroissez accablée de la dépense d’Aix ; c’est une chose cruelle que de gâter encore vos affaires en Provence, au lieu de les raccommoder. Vous souhaitez d’être à Grignan, c’est le seul lieu, dites-vous, où vous ne dépensez rien : je comprends qu’un peu de séjour dans votre château ne vous seroit pas inutile à cet égard ; mais vous n’êtes plus en état de mettre cette considération au premier rang ; votre santé doit aller la première, c’est ce qui doit vous conduire ; et quelle raison pourroit obliger ceux qui vous aiment à vous laisser dans un air qui vous fait périr visiblement ? Vous êtes si incommodée de la bise d’Aix et de Salon, que vous devez

  1. Lettre 772. — 1. « Le temps n’est plus, ma pauvre enfant, que ce m’étoit une consolation, etc. » (Édition de 1754.)
  2. 2. « …et au mal sensible que cela vous fait, je soutiens que vous ne sauriez m’écrire assez peu, et que si vous avez quelque soin de vous et quelque amitié pour moi, il faut… que vous gardiez cette conduite : si vous êtes incommodée, reposez-vous ; si vous ne l’êtes point, conservez-vous. » (Ibidem.)
  3. 3. Cette phrase n’est pas dans l’édition de 1734, non plus que la suivante, qui est réduite à ces mots : « Je ne sais pourquoi vous souhaitez d’être à Grignan. »