Page:Sévigné - Lettres, éd. Monmerqué, 1862, tome 6.djvu/204

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1680 sa fortune ; je ne puis vous rien mander de si extraordinaire ; mais c’est ainsi qu’elle se fait aimer[1]. Je n’ai pas oublié le comte de Suze[2] ; son frère, Monsieur de Saint-Omer[3], a été à l’extrémité, a reçu tous les sacrements ; il a opiniâtré de n’être point saigné[4], avec une grosse fièvre, une inflammation ; le médecin anglois le fit saigner par force ; jugez s’il en avoit besoin ; et ensuite avec son remède il l’a ressuscité, et dans trois jours il jouera à la fossette[5]. Hélas ! cette pauvre lieutenante, qui aimoit tant M. de Vins, et qui craignoit tant qu’on ne le sût pas, la voilà morte, et très-jeune ; de quelle maladie ? mandez-le-moi[6] ; je suis toujours surprise de la mort des jeunes personnes. Vous avez raison, ma fille, de vous plaindre que je vous ai mal élevée ; si vous aviez appris à prendre le temps comme il vient, et à ne pas négliger les pieds de veau de Provence[7], cela vous auroit extrêmement amusée.

N’avez-vous point remarqué la Gazette de Hollande ? Elle compte ceux qui ont des charges chez Madame la

  1. 24. Dans le texte de 1754, ce membre de phrase se trouve placé avant celui-ci : « je ne puis vous rien mander… »
  2. 25. Louis-François de la Baume, comte de Suze et de Rochefort ; il avait épousé Paule-Hippolyte de Monstiers de Mérinville, fille du comte de Mérinville, lieutenant pour le Roi au gouvernement de Provence avant M. de Grignan. La terre de Suze (Suze-la-Rousse) est à trois lieues de Grignan ; on en découvre le château et le parc de la terrasse de celui de Grignan. (Note de l’édition de 1818.)
  3. 26. Armand-Anne-Tristan de la Baume-Suze, d’abord évêque de Tarbes, ensuite de Saint-Omer (1677-1684), archevêque d’Auch (1692), mort en 1705.
  4. 27. « Il ne vouloit point être saigné. » (Édition de 1754.)
  5. 28. Mme de Sévigné a déjà fait allusion à ce passage du Médecin malgré lui (acte I, scène v).
  6. 29. « Mandez-moi de quelle maladie. » (Édition de 1754.)
  7. 30. Ce membre de phrase : « et à ne pas négliger, etc., » ne se lit que dans le texte de 1734. — « On dit faire le pied de veau à quelqu’un, pour dire : aller faire la révérence, des soumissions à quelqu’un. » (Dictionnaire de Furetière.)