Page:Sévigné - Lettres, éd. Monmerqué, 1862, tome 6.djvu/219

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1680

Mercredi, à dix heures du soir.

Ma grosse lettre est partie ; mais quand il y a de grandes nouvelles, il faut les écrire, quoique vous puissiez les savoir par d’autres. Je vous dirai donc que Mme la comtesse de Soissons[1]est partie cette nuit pour Liège, ou pour quelque autre endroit qui ne soit point la France. La Voisin[2]l’a extrêmement marquée, et je pense que Sa Majesté lui a donné charitablement le temps de se retirer. M. de Luxembourg s’est mis volontairement à la Bastille, et se croit assez innocent pour prendre ce ton[3]. On parle de Mme de Tingry[4], de plusieurs autres encore ; mais c’est un chaos, et je vous mande ce qui est positif ; à vendredi le reste.

On a trompeté Madame la Comtesse à trois briefs

  1. 55. Olympe Mancini (voyez tome II, p. 501, note 6). Sur sa fuite et son procès, voyez les Nièces de Mazarin par Amédee Renée.
  2. 56. On instruisait l’affaire des poisons. Catherine Deshayes, femme d’Antoine Montvoisin, connue sous le nom de la Voisin, la Vigoureux, la Bosse, un prêtre nommé Étienne Guibourg, Adam Cœuvret, dit le Sage, et d’autres scélérats obscurs, tiraient l’horoscope, et mettaient en pratique les funestes secrets que leur avaient légués Sainte-Croix et la Brinvilliers. On n’entendait parler que de morts subites et d’empoisonnements. Le Roi, voulant mettre un terme à ces crimes, attribua, par lettres patentes du 7 avril 1679, la connaissance exclusive du crime de poison à la chambre de l’Arsenal, qu’il avait créée à cet effet, et qui était composée de conseillers d’État et de maîtres des requêtes. Une grande partie des pièces originales de ce procès est conservée parmi les manuscrits de la bibliothèque de l’Arsenal. L’éditeur y a puisé des éclaircissements. (Note de l’édition de 1818, à la lettre suivante.)
  3. 57. Pour le maréchal de Luxembourg, compromis dans l’affaire des poisons, voyez l’Histoire de Louvois par M. Rousset, tome II, p. 562 et suivantes.
  4. 58. Voyez tome III, p. 509, note 2, et les Mémoires de Saint-Simon, tome I, p. 136 et 137. La princesse de Tingry ou Tingris, dame du palais de la Reine, mourut le 16 juillet 1706 (voyez à cette date le Journal de Dangeau et une addition de Saint-Simon). « Elle vécut, dit Saint-Simon dans ses Mémoires (tome V, p. 195), longtemps fort