Page:Sévigné - Lettres, éd. Monmerqué, 1862, tome 6.djvu/231

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1680 vous faire voir mon zèle et ma capacité ; il me semble que vous doutez beaucoup de cette dernière chose. Voilà ce que vaut le bon abbé, il me soulage si parfaitement de toutes sortes d’affaires, qu’il semble que je sois une innocente. Il faut souffrir cette humiliation et souhaiter que l’on me fasse encore longtemps cette injustice. Mais à propos de justice et d’injustice, ne vous paroît-il pas de loin que nous ne respirons tous ici que du poison, que nous sommes dans les sacrilèges et les avortements ? En vérité, cela fait horreur à toute l’Europe, et ceux qui nous liront dans cent ans plaindront ceux qui auront été témoins de ces accusations. Vous savez comme ce pauvre Luxembourg s’est remis de son bon gré à la Bastille : il a été l’officier qui s’y est mené, il a lui-même montré l’ordre à Bezemaux[1]. Il vint de Saint-Germain, il rencontra Mme de Montespan en chemin ; ils descendirent tous deux de leurs carrosses pour parler plus en liberté ; il pleura fort. Il vint aux Jésuites[2], il demanda plusieurs pères, il pria Dieu dans l’église, et toujours des larmes : il paroissoit un peu qu’il ne savoit à quel saint se vouer. Il rencontra Mme de Vauvineux ; il lui dit qu’il s’en alloit à la Bastille, qu’il en sortiroit innocent, mais qu’après un tel malheur il ne reverroit jamais le monde. Il fut d’abord mis dans une chambre assez belle ; deux heures après il est venu un ordre de le renfermer. Il est donc dans une chambre d’en haut très-désagréable ; il ne voit personne ; il a été interrogé quatre heures par M. de Bezons[3] et M. de la Reynie[4]. Pour Mme la comtesse de Soissons, c’est une

  1. 3. Voyez tome I, p. 471, note 8, et ci-dessus, p.218 et la note 22. Mme de Sévigné écrit Baisemeau.
  2. 4. Voyez ci-dessus la lettre où Mme de Sévigné fait le même récit à sa fille (p. 218, note 21).
  3. 5. Voyez tome III, p. 261, noté 8. Mme de Sévigné écrit Beson.
  4. 6. Celui, dit Saint-Simon (tome II, p. 300), qui a mis la place