Page:Sévigné - Lettres, éd. Monmerqué, 1862, tome 6.djvu/389

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1680 erreurs, cela fournit beaucoup. Notre essieu rompit hier dans un lieu merveilleux ; nous fûmes secourus par le véritable portrait de M. de Sottenville[1] ; c’est un homme qui feroit les Géorgiques de Virgile, si elles n’étoient déjà faites, tant il sait profondément le ménage de la campagne ; il nous fit venir Madame sa femme[2], qui est assurément de la maison de la Prudoterie, où le ventre anoblit[3]. Nous fûmes deux heures en cette compagnie[4] sans nous ennuyer, par la nouveauté d’une conversation et d’une langue entièrement nouvelle pour nous. Nous fîmes bien des réflexions sur le parfait contentement de ce gentilhomme, de qui l’on peut dire :

Heureux qui se nourrit du lait de ses brebis,
Et qui de leur toison voit filer ses habits[5] !

Les jours sont si longs que nous n’eûmes pas même besoin du secours de la plus belle lune du monde, qui nous accompagnera sur la Loire, où nous nous embarquons demain. Quand vous recevrez cette lettre, ma fille, je serai à Nantes : savez-vous bien qu’aujourd’hui je ne suis pas encore plus loin de vous qu’à Paris ? Nous avons tiré un filet, et nous avons trouvé que Nantes même[6] n’étoit guère plus loin de vous que Paris. Mais en vérité, ma très-chère, voilà de légères consolations ; je n’ai pas même celle de recevoir de vos nouvelles[7]. Vos lettres

  1. Lettre 806. — 1. Beau-père de George Dandin.
  2. 2. « Il nous fit venir sa femme. » (Édition de 1754.)
  3. 3. Voyez la scène iv du Ier acte de George Dandin.
  4. 4. « Avec cette compagnie. » (Édition de 1754.)
  5. 5. Voyez les Bergeries de Racan, acte V, scène i, vers 5 et 6.
  6. 6. « J’ai trouvé aujourd’hui que je ne suis pas encore plus loin de vous qu’à Paris, et par un filet que nous avons tiré sur la carte, nous avons vu que Nantes même, etc. » (Édition de 1754.)
  7. 7. « … de recevoir de vos nouvelles. Je n’en puis espérer qu’à