Page:Sévigné - Lettres, éd. Monmerqué, 1862, tome 6.djvu/482

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1680 que temps, et dont la guérison réjouit plus que nulle autre. Elle est dans ce bienheureux état ; elle est dévote et vraiment dévote ; elle fait un bon usage de son libre arbitre ; mais n’est-ce pas Dieu qui le lui fait faire[1] ? n’est-ce pas Dieu qui la fait vouloir ? n’est-ce pas Dieu qui l’a délivrée de l’empire du démon ? n’est-ce pas Dieu qui a tourné son cœur ? n’est-ce pas Dieu qui la fait marcher et qui la soutient ? n’est-ce pas Dieu qui lui donne la vue et le desir d’être à lui[2] ? c’est cela qui est couronné ; c’est Dieu qui couronne ses dons. Si c’est là ce que vous appelez le libre arbitre, ah ! je le veux bien. Nous reprendrons saint Augustin : je reviens à mon amie[3] .

Elle mène Mme  de la Fayette chez cette aimable dévote ; peut-être que c’est le chemin qui fera sentir à Mme  de la Fayette que sa douleur n’est pas incurable. Elle m’a paru jusqu’ici fort insensible à toutes les autres choses, et même à son fils ; mais que sait-on ce qui nous attend ? c’est ce que je me dis sur le sujet du mien. Comment voulez-vous que je le marie ? le voilà attaché à sa grosse cousine de V…[4]. Il m’en parle très-plaisamment ; c’est bien par là qu’on marche à la fortune. Voyez ce petit menin de Chiverni : avec sa petite mine chafouine, et son esprit droit et froid, il a trouvé le moyen de se faire aimer de Mme  Colbert ; il épouse sa nièce : soyez persuadée que vous lui verrez[5] bientôt toutes ses

  1. 20. L’édition de 1754 n’a pas ce membre de phrase, et déplace, en les mettant ici, les mots : « n’est-ce pas Dieu qui a tourné son cœur ? »
  2. 21. « …qui lui donne le desir d’être à lui. » (Édition de 1737.)
  3. 22. Cette phrase et tout l’alinéa suivant manquent dans l’édition de 1737, qui établit ainsi la transition : « Revenons à saint Augustin, sur lequel je n’ai rien à vous répondre, sinon, etc. »
  4. 23. Voyez plus bas, p. 548, note 15 ; et la Notice, p. 215 et 216.
  5. 24. Outre l’édition de 1754 que nous citons d’ordinaire, il y en a une autre, de la même année, imprimée en plus petits caractères ; c’est elle qui donne ici verrez ; l’autre porte reverrez.