Page:Sévigné - Lettres, éd. Monmerqué, 1862, tome 6.djvu/498

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1680 suadée que le chevalier lui procureroit tous les agréments du monde[1] : il n’est pas assez heureux pour vouloir se servir[2] de tous ses avantages. Quelle envie effrénée n’auroit-il point d’être là, s’il n’y étoit pas ! Vous savez le dessous de cartes[3]. Vous êtes bien plus sage, vous, ma fille, qui tâchez de trouver bon ce que vous avez, et de gâter tout ce que vous n’avez pas : voilà une philosophie qu’il auroit fallu acheter bien cher à l’encan de Lucien[4]. Vous vous dites que tous les biens apparents des autres sont mauvais ; vous les regardez par la facette la plus désagréable ; vous tâchez à ne pas mettre votre félicité à ce qui ne dépend pas de vous[5]. Je me fais une étude de cet endroit d’une de vos lettres ; il n’y a point de lecture qui puisse m’être si utile, quoique je sois un peu honteuse de vous trouver plus sage que moi. Mon fils me mande qu’il s’en va jouer au reversis avec son jeune maître[6] ; cela me fait transir : deux, trois, quatre cents pistoles s’y perdent fort aisément :

Ce n’est rien pour Admète, et c’est beaucoup pour lui[7].

  1. 3. « Que le chevalier lui feroit tous les biens du monde. (Éditions de 1737 et de 1754.)
  2. 4. « Il n’est pas assez heureux pour se servir. » (Édition de 1737.) — « S’il étoit assez heureux pour se servir. » (Édition de 1754.)
  3. 5. Dans l’édition de 1737 : « le dessous de ces cartes, » et dans celle de 1754 : « le dessous des cartes. » Dans notre manuscrit, le copiste a écrit ces mots singuliers : « là-dessus d’Ecartes, » et immédiatement après il a omis les mots : « vous, ma fille. »
  4. 6. Voyez les $ectes à l’encan (la Vente des vies) de Lucien.
  5. 7. « De ne pas mettre votre félicité à ce qui ne dépend pas de vous. » (Édition de 1737.) — « De ne pas mettre votre félicite dans ce qui, etc. » (Édition de 1754.)
  6. 8. Le Dauphin.
  7. 9. Voyez l’Alceste de Quinault, acte III, scène ire :
    Phérès. père d’Admète

    xxxxxJe n’ai plus qu’un reste de vie :
    Ce n’est rien pour Admète, et c’est beaucoup pour moi.