Page:Sévigné - Lettres, éd. Monmerqué, 1862, tome 6.djvu/509

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1680 ce n’est pas la première fois qu’on se trompe. Ce seroit à moi, à crier miséricorde, si je n’avois du courage[1] : c’est moi que cette charge accable, surtout en voyant comme il a pris en ce pays[2] de tous les côtés tout ce qu’il a pu ; mais je me tais, et voudrois au moins que pour prix de tout le dérangement qu’il me fait, il fût content dans la place où il est. Son chagrin m’en donne plus que tout le reste ; n’en parlons plus. Je l’attends ici incessamment ; car s’il peut se contenter de paroître à la tête de la compagnie quand le Roi la verra[3], il volera ici avec une soif nompareille de revoir son cher pays : dulcis amor patriæ[4] ; voilà ce que les Romains souhaitoient à leurs citoyens.

Vous avez très-bien deviné : Montgobert ne me dit point qu’elle soit mal avec vous ; vous m’en dites la raison, on ne se vante point d’avoir tort. Elle me dit mille folies, comme à l’ordinaire, sur les trains et les plaisirs que vous avez. Je suis fâchée que ce vieux carrosse où il faut toujours refaire quelque chose, se trouve dans l’amitié et dans les anciens attachements ; je croyois tout le contraire, et que le passé répondît de l’avenir, et que ce fût pour l’autre que ces dégingandements fussent réservés[5] : l’amour-propre fait quelquefois de plaisants effets.

  1. 8. Dans notre manuscrit : « si je n’avois de courage. »
  2. 9. « Surtout depuis qu’il a pris ici, etc. » (Édition de 1754.) Ce membre de phrase, à partir de surtout, n’est pas dans le texte de 1737. — Voyez la lettre du 27 mai précédent, p. 421 et 423.
  3. 10. « Le verra. » (Édition de 1754.)
  4. 11. « Doux amour de la patrie. »
  5. 12. « Je croyois tout le contraire, et que le passé répondoit de l’avenir, et que c’étoit pour l’autre que ces dégingandements étoient réservés. » (Édition de 1737.) L’édition de 1754 a le même texte, sauf le commencement : « je croyois au contraire que le passé, etc. » — Sur l’autre, l’amour, voyez un passage de la Princesse de Paphlagonie de Mademoiselle, cité par M. Cousin dans la Société française, tome I, p. 225 et 226.