Page:Sévigné - Lettres, éd. Monmerqué, 1862, tome 6.djvu/525

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Mme la princesse de Tarente fut ici lundi toute l’après-dînée : elle m’avoit fait une collation en viande ; je lui rendis ; c’est une sotte mode : c’est la longueur des jours qui nous jette dans cet embarras ; je pense que cela ne durera pas. Elle me conta cent choses de sa fille, et de toutes les parties du monde ; mais ce sera pour une autre fois, je ne saurois tant discourir aujourd’hui : je suis fâchée de n’avoir point de lettres de ma fille. Le bon abbé vous assure de ses services, et se porte très-bien. Pour moi, ma petite, dès que j’aurai de vos nouvelles, je me porterai parfaitement bien ; je n’ai aucun mal que celui de n’avoir point de vos lettres ; mais je le trouve bien grand : j’espère qu’en recevant ceci vous vous moquerez de moi, comme je prends quelquefois la liberté de me moquer de vous ; il faut nous excuser à la pareille, ma chère enfant, et souffrir cette peine attachée à notre amitié.


1680

831. — DE MADAME DE SÉVIGNÉ À MADAME DE GRIGNAN.

Aux Rochers, ce dimanche 14e juillet.

Enfin, ma fille, j’ai reçu vos deux lettres à la fois[1] ; ne m’accoutumerai-je jamais à ces petites manières de peindre de la poste ? et faudra-t-il que je sois toujours gourmandée par mon imagination ? La pensée du moment où je saurai le oui ou le non d’avoir ou de n’avoir pas de vos nouvelles, me donne une émotion dont je ne suis point du tout la maîtresse ; ma pauvre machine en

  1. Lettre 831 (revue en grande partie sur une ancienne copie). — 1. « J’ai reçu enfin vos deux lettres à la fois. » (Édition de 1754.)