Page:Sévigné - Lettres, éd. Monmerqué, 1862, tome 6.djvu/547

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1680 qui me sont encore trop sensibles, je mettrois bien volontiers sur ma cheminée :

Loin de gémir et de me plaindre
Des Dieux, des hommes et du sort,
C’est ici que j’attends la mort,
Sans la désirer ni la craindre[1].

Je ne sais si le premier vers est bien ; tant y a, c’est le sens ; mais je tiens encore trop à une créature qui m’est plus chère qu’elle n’a jamais été. Vous comprenez ce goût sans peine ; c’est pourquoi je vous fais cette confidence.

Adieu, Monsieur : aimons-nous toujours bien, et entretenons quelque espèce de commerce pour n’être pas entièrement dans l’ignorance de ce qui nous touche. Ne le voulez-vous pas bien, Madame, et que je vous embrasse de tout mon cœur ? Notre bon abbé vous honore tous deux parfaitement ; il se porte fort bien. Il s’amuse à bâtir un petit, car nous n’avons point d’argent ; mais enfin il a une truelle à la main et autour de lui toute sorte d’ouvriers ; et moi je fais encore de fort belles allées tout au travers des choux, c’est-à-dire dans un bois que vous aimeriez.

  1. 5. C’est le quatrain que le poëte Maynard (mort en 1646) avait placé sur la porte de son cabinet. Les deux premiers vers sont cités de diverses façons :

    Las d’espérer et de me plaindre
    Des grands, des belles et du sort ;

    ou bien :

    Des Muses, des grands et du sort ;

    ou encore :

    Rebuté des grands et du sort,
    Las d’espérer et de me plaindre.

    Nous n’avons pas trouvé ce quatrain dans la première édition des Poésies de Maynard.