encore à la merci des voleurs et des loups, et de tout ce que Marion espéroit dans sa jolie abbaye[1] ; quoiqu’il ait soixante-quatorze ans, il se porte très-bien ; vous en dites autant de vous : Dieu le veuille ! je ne souhaite rien avec tant de passion.
Adieu, ma chère enfant : je suis tendrement à vous, qui êtes les délices[2] de mon cœur et de mon esprit.
1680
837. — DE MADAME DE SÉVIGNÉ À MADAME DE GRIGNAN.
IL est vrai, ma fille, que nous sommes un peu ombrageuses : une poste retardée, une lettre trop courte, tout nous fait peur. N’envoyons point nos gronderies si loin, faisons-les à nous-mêmes, chacune de notre côté ; épargnons le port de toutes les raisons que nous savons fort bien nous dire ; et faisons grâce à ces sortes de vivacités en faveur de notre amitié[3], qui est plus séparée que nulle autre que je connoisse. J’admire quelquefois comme il a plu à la Providence de nous éloigner. La princesse de Tarente s’accommode bien mieux de l’exil de sa fille[4] ; elle a un commerce assez bon avec elle. Je
- ↑ 39. « Il espère vous voir encore dans sa jolie abbaye, à la merci des voleurs et des loups, et de tout ce qui pouvoit arriver à Marion. » (Édition de 1754.) — Mlle de Sévigné s’appelait Marguerite, et il paraît que, dans sa première jeunesse, on lui donnait tantôt le nom de Marion, tantôt celui de Manon. (Note de l’édition de 1818.)
- ↑ 40. « Adieu, ma chère enfant vous êtes les délices, etc. » (Édition de 1754.)
- ↑ Lettre 837. — 1. « D’une amitié. » (Édition de 1754.)
- ↑ 2. Voyez la lettre du 21 juillet précédent, p. 543. — Dans le texte de 1754 : « de l’exil de la sienne. »