Page:Sévigné - Lettres, éd. Monmerqué, 1862, tome 6.djvu/562

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encore à la merci des voleurs et des loups, et de tout ce que Marion espéroit dans sa jolie abbaye[1] ; quoiqu’il ait soixante-quatorze ans, il se porte très-bien ; vous en dites autant de vous : Dieu le veuille ! je ne souhaite rien avec tant de passion.

Adieu, ma chère enfant : je suis tendrement à vous, qui êtes les délices[2] de mon cœur et de mon esprit.


1680

837. — DE MADAME DE SÉVIGNÉ À MADAME DE GRIGNAN.

Aux Rochers, ce mercredi 31e juillet.

IL est vrai, ma fille, que nous sommes un peu ombrageuses : une poste retardée, une lettre trop courte, tout nous fait peur. N’envoyons point nos gronderies si loin, faisons-les à nous-mêmes, chacune de notre côté ; épargnons le port de toutes les raisons que nous savons fort bien nous dire ; et faisons grâce à ces sortes de vivacités en faveur de notre amitié[3], qui est plus séparée que nulle autre que je connoisse. J’admire quelquefois comme il a plu à la Providence de nous éloigner. La princesse de Tarente s’accommode bien mieux de l’exil de sa fille[4] ; elle a un commerce assez bon avec elle. Je

  1. 39. « Il espère vous voir encore dans sa jolie abbaye, à la merci des voleurs et des loups, et de tout ce qui pouvoit arriver à Marion. » (Édition de 1754.) — Mlle de Sévigné s’appelait Marguerite, et il paraît que, dans sa première jeunesse, on lui donnait tantôt le nom de Marion, tantôt celui de Manon. (Note de l’édition de 1818.)
  2. 40. « Adieu, ma chère enfant vous êtes les délices, etc. » (Édition de 1754.)
  3. Lettre 837. — 1. « D’une amitié. » (Édition de 1754.)
  4. 2. Voyez la lettre du 21 juillet précédent, p. 543. — Dans le texte de 1754 : « de l’exil de la sienne. »