Page:Sévigné - Lettres, éd. Monmerqué, 1862, tome 6.djvu/63

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1679 il ne se plaint de rien, c’étoit moi qui étois[1] émue ; s’il l’a été, il s’est bien caché, et s’est consolé dans l’innocence de sa conscience ; pour moi, qui ne suis pas si sage, c’étoit justement cela qui m’impatientoit : ai-je pu jamais savoir ce que c’étoit que cette sorte d’injustice, quoique je vous l’aie demandé ? Enfin, n’en parlons plus présentement : voilà qui est fait et trop fait, et trop passé ; peut-être qu’un jour nous reprendrons ce chapitre à fond : c’est une des choses que je souhaite le plus. Dans ces derniers temps, hélas vous faisiez fort bien pour Corbinelli ; il ne lui en faut pas davantage ; il est content, et moi aussi ; il n’y a rien à raccommoder : tout est bien ; croyez-moi, je ne sais point de cœur meilleur que le sien, je le connois ; et pour son esprit, il vous plaisoit autrefois ; il regarde avec respect la tendresse que j’ai pour vous ; c’est un original qui lui fait connoître jusqu’où le cœur humain peut s’étendre ; il est bien loin de me conseiller de m’opposer à cette pente ; il connoît la force des conseils sur de pareils sujets. Le changement de mon amitié pour vous n’est pas un ouvrage de la philosophie, ni des raisonnements humains ; je ne cherche point à me défaire de cette chère amitié ; ma fille, si dans l’avenir vous me traitez comme on traite une amie, votre commerce sera charmant ; j’en serai comblée de joie, et je marcherai dans des routes nouvelles. Si votre tempérament, peu communicatif, comme vous le dites, vous empêche encore de me donner ce plaisir, je ne vous en aimerai pas moins : n’êtes-vous pas contente de ce que j’ai pour vous ? en desirez-vous davantage ? Voilà votre pis aller : vous ne serez point moins aimée.[2]

  1. 9. Il y a étoit, à la troisième personne, dans le manuscrit.
  2. 10. Ce dernier membre de phrase ne se trouve non plus que dans notre manuscrit.