Page:Sévigné - Lettres, éd. Monmerqué, 1862, tome 6.djvu/80

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1679 et de vous-même la première. Soyez encore persuadée d’une autre chose, c’est que sans la santé on ne peut rien faire ; tout demeure, on ne peut aller ni venir qu’avec des peines incroyables : en un mot, ce n’est pas vivre que de n’avoir point de santé. L’état où vous êtes, quoi que vous disiez, n’est pas un état de consistance ; il faut être mieux, si vous voulez être bien. Je suis fort fâchée du vilain temps que vous avez, et de tous vos débordements horribles ; je crains votre Durance comme une bête furieuse.

On ne parle point encore de cordons bleus[1] : s’il y en a, je recevrai fort bien, mais tristement, M. de Grignan ; car enfin, s’il est obligé de revenir, je ne vois rien de plus mal placé que votre voyage : c’eût été une chose bien plus raisonnable et plus naturelle que vous l’eussiez attendu ici[2] ; mais on’ne devine pas ; et comme vous observiez et vous consultiez les volontés de M. de Grignan, comme on faisoit[3] autrefois les entrailles des victimes, vous y aviez vu si clairement qu’il souhaitoit que vous allassiez avec lui, que ne mettant jamais votre santé en aucune sorte de considération, il étoit impossible que vous ne partissiez, comme vous avez fait. Il faut regarder Dieu, et lui demander la grâce de votre retour, et que ce ne soit plus comme un postillon, mais comme une femme qui n’a plus d’affaires en Provence, qui craint la bise de Grignan, et qui a dessein de s’établir et de rétablir sa santé en ce pays.

  1. 2. Voyez tome V, p. 548, note 5.
  2. 3. « S’il y en a, et que M. de Grignan soit obligé de revenir, je le recevrai fort bien, mais fort tristement ; car enfin, au lieu de placer votre voyage comme vous avez fait, c’eût été une chose bien plus raisonnable et plus naturelle que vous eussiez attendu M. de Grignan ici. » (Édition de 1754.)
  3. 4. « Et comme vous observiez et consultiez les volontés de M. de Grignan, ainsi qu’on faisoit, etc. » (Ibidem.)