Page:Sévigné - Lettres, éd. Monmerqué, 1862, tome 6.djvu/94

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

1679 carrosse, et revint à Paris, où il arriva à minuit. M. de Pompone n’étoit pas de ces ministres sur qui une disgrâce tombe à propos, pour leur apprendre l’humanité, qu’ils ont presque tous oubliée ; la fortune n’avoit fait qu’employer les vertus qu’il avoit, pour le bonheur des autres ; on l’aimoit, et surtout parce qu’on l’honoroit infiniment[1]. Nous avions été, comme je vous ai mandé, le vendredi à Pompone, M. de Chaulnes, Lavardin[2] et moi : nous le trouvâmes, et les dames, qui nous reçurent fort gaiement. On causa tout le soir, on joua aux échecs : ah ! quel échec et mat on lui préparoit à Saint-Germain ! Il y alla dès le lendemain matin, parce qu’un courrier l’attendoit ; de sorte que M. Colbert, qui croyoit le trouver le samedi au soir comme à l’ordinaire, sachant qu’il étoit allé droit à Saint-Germain, retourna sur ses pas, et pensa crever ses chevaux. Pour nous, nous ne partîmes de Pompone qu’après dîner ; nous y laissâmes les dames, Mme de Vins m’ayant chargée de mille amitiés pour vous[3]. Il fallut donc leur mander cette triste nouvelle : ce fut un valet de chambre de M. de Pompone, qui arriva le dimanche à neuf heures dans la chambre de Mme de Vins : c’étoit une marche si extraordinaire que celle de cet homme, et il étoit si excessivement changé, que Mme de Vins crut absolument qu’il lui venoit dire la mort de M. de Pompone ; de sorte que quand elle sut qu’il n’étoit que disgracié, elle respira ; mais elle sentit son mal quand elle fut remise ; elle alla le dire à sa sœur. Elles partirent à l’instant ; et laissant

  1. 5. Cette phrase ne se trouve que dans le texte de 1734.
  2. 6. Au lieu de ce nom, les deux éditions de Perrin portent « Caumartin. »
  3. 7. Ce dernier membre de phrase : « Mme de Vins, etc., » n’est pas dans l’édition de 1754.