Page:Sévigné - Lettres, éd. Monmerqué, 1862, tome 7.djvu/106

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1680 apparence d’amitié on a abusé de sa jeunesse, il jette à croix et à pile qu’on le sache ou qu’on ne le sache pas ; comme si les douleurs en étoient moins sensibles, le mal moins fâcheux, et l’offense moins grande envers le Seigneur : c’est bien là qu’il faut dire, l’opinione regina del mondo[1]. Enfin, ma fille, ce pauvre petit frère vous feroit pitié si vous le voyiez ; il est toujours dans la douleur ; je crois que je ne trouverai jamais une si belle occasion de lui rendre les soins qu’il a eus de moi ; Dieu ne veut pas que je sois en reste avec lui.

Monsieur le Prince est bien malade ; la France pourroit bien perdre ce héros[2].

Mon fils vous fait mille amitiés ; il est ravi de penser que nous vous aurons cet hiver, et il ose espérer comme moi que ce voyage sera plus agréable que les autres, où vous avez toujours eu des agitations. Si vous étiez bonne, vous me donneriez le plaisir de savoir que vous irez en litière jusqu’à Lyon, et que même jusqu’à Montélimart vos muletiers suivront le grand chemin, sans s’aller extravaguer dans des précipices, où pour épargner un quart de lieue, Mme  de Coulanges pensa périr mille fois : vous m’ôteriez par cette conduite cette frayeur des bords du Rhône, dont mon imagination est frappée.

L’abbé de Pontcarré me mande que le fils de M. Morant, conseiller d’État[3], est nommé intendant en Provence ; c’est un fort galant homme, dont je crois que

  1. 4. L’opinion reine du monde. Voyez tome III, p. 46, et la note 14.
  2. 5. Il ne mourut qu’au mois de décembre 1686. Voyez les lettres du 13 décembre 1686 et du 6 janvier 1687.
  3. 6. Sans doute Thomas Morant, marquis de Mesnil-Garnier, conseiller au grand conseil, maître des requêtes, puis intendant des finances en Guienne, frère de Mme  de Leuville. — Sur Mme  de Leuville, voyez tome II, p. 416, note 8.