Page:Sévigné - Lettres, éd. Monmerqué, 1862, tome 7.djvu/17

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1680 grande maternité fut soutenu avec dignité[1]. Nous retournâmes chez Mme  de Chaulnes, après qu’elle fut revenue[2] ici avec toute sa cour, et nous y retrouvâmes le même arrangement, avec une grande quantité de lumières, et deux grandes tables servies également de seize couverts chacune, où tout le monde se mit : c’est tous les soirs la même vie[3]. L’après-soupée se passa en jeu, en conversation ; mais ce qui causa mon chagrin[4], ce fut de voir une jeune petite madame fort jolie, qui assurément n’a pas plus d’esprit que moi, qui donna deux échecs et mat[5] à M. le duc de Chaulnes, d’un air et d’une capacité à me faire mourir d’envie. Nous revînmes coucher ici très-délicieusement ; je me suis éveillée du matin[6], et je vous écris, quoique ma lettre ne parte que demain. Je suis assurée que je vous manderai le plus grand dîner, le plus grand souper, et toujours la même chose : du bruit, des trompettes, des violons, un air de royauté ; et enfin vous en conclurez que c’est un fort beau gouvernement que celui de Bretagne. Cependant, je vous ai vue dans votre petite Provence accompagnée d’autant de dames, et M. de Grignan suivi d’autant de gens de qualité, et reçu une fois à Lambesc aussi dignement que M. de Chaulnes le peut être ici. Je fis réflexion que vous receviez là votre cour, et que je viens ici faire la mienne : c’est ainsi que la Providence en a ordonné.

  1. 13. « Fut soutenu à merveilles. » (Éditions de 1737 et de 1754.)
  2. 14. « Venue. » (Ibidem.)
  3. 15. « La même chose. » (Édition de 1754.)
  4. 16. « Mais ce qui me causa du chagrin. » (Éditions de 1737 et de 1754.)
  5. 17. « Donner deux échecs et mat. » (Ibidem.) — Voyez tome VI, p. 249 et 250.
  6. 18. « Je me suis éveillée matin. » (Éditions de 1737 et de 1754.)