Page:Sévigné - Lettres, éd. Monmerqué, 1862, tome 7.djvu/184

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1682 de sa vie avec un homme qu’elle hait autant qu’elle l’avoit aimé :

Tanto t’agiterò quanto t’amai[1].

Elle sait que nous avons consulté des docteurs, qui croient le mariage absolument nul. Lui, que fait-il de son côté ? il entre en fureur de sa légèreté, il oublie que c’est lui qui l’a trompée le premier, il dit des choses atroces contre elle, il tâche de l’intimider, il la menace qu’on dira à l’audience qu’elle[2] [a couché avec son père], qu’elle [a empoisonné son mari], qu’elle a supposé son enfant : voilà les petites peccadilles dont il l’accuse. Elle entre en fureur de son côté, elle oublie toute pudeur, elle veut se séparer pour jamais d’un si insolent calomniateur : voilà où ils en sont. Les avocats éclateront de tous les deux partis, nous baisserons nos coiffes, et nous tâcherons de nous délivrer d’une si odieuse chaîne. Eh bien ! nous avons aimé un homme ! cela est bien mal ; et nous avons été si sotte que de l’épouser ! selon le monde, c’est ce qui est encore plus mal. Nous écrivons des lettres brûlantes, c’est que nous avons le cœur brûlant aussi. Que peuvent-elles dire de plus que ce que nous avouons, qui est de l’avoir épousé ? c’est tout dire, c’est la grande et admirable sottise dont nous voulons nous tirer, puisque, par bonheur, en voulant faire le mariage du monde le plus sûr, nous avons fait le mariage du monde le plus insoutenable ; c’est ainsi

  1. 4. « Je t’agiterai, je te poursuivrai, autant que je t’aimai. » — Voyez tome III, p. 67, note 14.
  2. 5. Les cinq mots précédés de ce premier qu’elle, et les quatre qui viennent après le qu’elle suivant, ont été effacés dans l’autographe, par une autre main que celle de Mme de Sévigné. Nous croyons bien avoir réussi à les lire sous l’épaisse couche d’encre qui les recouvre, mais comme cependant nous n’en avons pas la certitude absolue, nous les laissons entre crochets.