Page:Sévigné - Lettres, éd. Monmerqué, 1862, tome 7.djvu/403

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1685 avec ces herbes, que l’on retire deux fois le jour toutes mouillées : on les enterre, et à mesure qu’elles pourrissent, riez-en si vous voulez, cet endroit sue et s’amollit ; et ainsi[1] par une douce et insensible transpiration, avec des lessives d’herbes fines et de la cendre, je guéris la jambe du monde la plus maltraitée par le passé[2], et je ne crois pas qu’il y ait rien de plus aimable pour moi qu’une sorte de traitement qui est sûr, et qui n’est ni contraignant ni dégoûtant, et qui me donne tous les jours le plaisir de me voir guérir sans onguents, sans garder un moment la chambre. C’est dommage que vous n’alliez conter cela à des chirurgiens, ils pâmeroient de rire ; mais moi je me moque d’eux.

Vous voulez savoir où j’ai été aujourd’hui ? J’ai été à la place Madame ; j’ai fait deux tours de mail[3] avec les joueurs. Ah, mon cher Comte ! je songe toujours à vous, et quelle grâce vous avez à pousser cette boule[4]. Je voudrois que vous eussiez à Grignan une aussi belle allée : j’irai tantôt au bout de la grande allée voir Pilois[5], qui lui fait un beau degré de gazon pour descendre à la porte qui va dans le grand chemin. Ma bonne, vous voilà instruite de reste, vous ne direz pas que je vous cache des vérités, que je ne fais que mentir : vous en savez autant que moi[6].

  1. 18. « …et s’amollit, en sorte que. » (Édition de 1754.)
  2. 19. « On me guérit la jambe du monde la plus maltraitée par le passé. » (Ibidem.) — Tout ce qui suit, jusqu’à la fin de la phrase, manque dans cette édition. Dans l’autographe, les mots : « par le passé » ont été ajoutés après coup au-dessus de la ligne.
  3. 20. « Trois tours de mail. » (Édition de 1754.)
  4. 21. « Et avec quelle grâce vous poussez cette boule. » (Ibidem.)
  5. 22. « voir Pilois ; il y fait, etc. » (Ibidem.) — Mme  de Sévigné avait d’abord écrit : « qui lui fait faire, » puis elle a effacé faire.
  6. 23. « Ma fille, vous ne direz pas que je vous cache des vérités, que je ne fais que mentir : vous en savez autant que moi sur mon sujet. » (Édition de 1754.)